Consolidation du marché bancaire : de quoi parle-t-on ? D’un marché dans lequel certaines banques fusionnent par opportunisme pour bénéficier de synergies et se développer, avec pour conséquence une moindre concurrence. Un son de cloche qui retentit à chaque crise comme l’illustre, cet automne, l’énième rumeur de rachat de l’un des piliers de l’industrie bancaire : la Société Générale par BNP Paribas. Décryptage.
Société Générale : mauvais résultats au 1e semestre 2020
La Société Générale a annoncé une perte de 1,6 milliard d’euros au premier semestre 2020. Les analystes tempèrent malgré tout indiquant qu’il s’agit en grande partie d’un jeu d’écritures bancaires (1,3 milliard d’euros) auquel s’ajoute l’annulation du versement des dividendes (400 millions d’euros).
Une action qui dévisse de 64% depuis février
Ce résultat serait donc conjoncturel. Sauf que l’action de la Société Générale est en perdition depuis le mois de février avec un recul de 64%. Certes, toutes les valeurs bancaires sont en chute libre mais certaines banques moins que d’autres : -42% pour BNP Paribas, -44% pour le Crédit Agricole. Cette faible valorisation de la Société Générale relance les possibilités d’OPA (offre publique d’achat), d’où la rumeur qui bruisse sur le retour d’une fusion-acquisition avec BNP Paribas.
Frédéric Oudéa écarte (encore) la rumeur de rachat
Un écho colporté par Morgan Stanley qui laisse perplexe dans le milieu, car le rapprochement franco-français de deux banques systémiques accentuerait d’autant leur poids vis-à-vis de l’état. Le patron Frédéric Oudéa exprimait fin septembre l’idée que le marché bancaire était déjà consolidé et que le processus de consolidation était beaucoup trop complexe pour cette catégorie de banques. Reste que le dirigeant est à la manœuvre pour éteindre l’incendie. Le contre-feu allumé concerne le dossier de la filiale Crédit du Nord.
Plan de réduction des coûts pour rassurer les actionnaires
Dans l’optique de réduire ses coûts structurels, la Société Générale aspire à fusionner les deux réseaux (projet baptisé Ganesh). Récemment promu, Sébastien Proto est chargé de mener la procédure de réorganisation du maillage des agences pour réduire les doublons, muscler la présence dans les villes de taille moyenne et relever le défi imposé par les banques mutualistes très présentes sur ces territoires. Les syndicats s’inquiètent de l’éventuelle casse sociale dans l’entreprise, même si les dirigeants se réfugient derrière les départs en interne pour justifier des économies de personnel.
Les failles de la Société Générale
Si plusieurs arguments atténuent bien la portée de la rumeur d’une fusion-acquisition BNP Paribas-Société Générale, il n’en demeure pas moins que la banque est une proie potentielle à cause notamment de sa valeur boursière.
Une rentabilité moins performante que la concurrence
La crise sanitaire ajoute indéniablement des difficultés aux difficultés :
- risque de multiplication des défauts de paiement d’entreprises en faillite,
- renforcement des conditions d’octroi pour les crédits immobiliers.
Une période de crise économique a toujours été propice pour agiter le chiffon des fusions-acquisitions surtout si, comme La Société Générale, une banque affiche un faible niveau de valorisation (20% de son actif net). Son profil de rentabilité constitue une autre menace, avec un ROE de 5% fin 2019 contre 8,5% chez BNP Paribas.
Des charges de fonctionnement trop lourdes
Pour expliquer cette faiblesse, les analystes financiers pointent du doigt les charges de fonctionnement dont la masse salariale. Ainsi, les charges d’exploitation atteindraient 72% du produit net bancaire (PNB) alors que la moyenne européenne est de 64%. Logiquement, la banque cherche à rassurer ses actionnaires avec la mise en place d’un plan de réduction de ses coûts de l’ordre de 450 millions d’euros à horizon 2023. D’où le dossier Crédit du Nord pour abaisser les coûts de sa banque de détail et le projet de vente de la filiale de gestion d’actifs Lyxor.
Stratégie climat et technologies comme boussoles
Pour sa banque de détail, les dirigeants de la Société Générale se concentrent sur l’expérience client, l’efficacité du conseil notamment sur l’épargne et la finance responsable. La banque déploie notamment sa stratégie climat en supprimant son exposition au secteur du charbon d’ici 2040, et en réduisant celle au gaz et au pétrole de 10% d’ici 2025. Toutes ces perspectives sont élaborées sous la bannière de la technologie, la Société générale étant très à l’écoute de l’écosystème Fintechs et néobanques (elle possède notamment Boursorama Banque, Treezor, Shine et Prismea).
Avec des résultats négatifs, un cours boursier en chute et un contexte sanitaire incertain, la Société Générale doit en plus dérouler sa partition dans un environnement cacophonique : taux d’emprunt négatif, contraintes réglementaires renforcées, concurrence des acteurs en ligne (néobanque, robo advisor, cryptomonnaies, broker, etc.). Autant de dissonances qui devraient encore faire résonner les rumeurs de fusion-acquisition durant les mois à venir.