Femmes et argent : en finir avec les tabous (Forum ViveS)

Publié le - Auteur Par Nantcy L -
Femmes et argent : en finir avec les tabous (Forum ViveS)

Comment lever les tabous, oser parler d’argent et en gagner ? À l’occasion d’un forum organisé par le magazine ViveS le 19 avril dernier, l’historienne Michelle Perrot est revenue sur le poids de l’histoire et de la sociologie dans le rapport des femmes à l’argent. Nous avons assisté à cet événement dont le titre était : « Osons ensemble! En finis avec les tabous sur l’argent et le travail ».


 

En finir avec les tabous, une bonne fois pour toutes. De tout temps, les femmes ont entretenu une relation ambiguë avec l’argent. Entre peur, honte, pouvoir ou encore liberté, l’argent est à la fois objet de désir et de turpitude. Gage de virilité, dans bon nombre d’esprits, il reste assimilé à la masculinité. Si la réussite d’un homme s’évalue encore trop souvent par la grandeur de son patrimoine ou son pouvoir, celle d’une femme s’apprécie par sa capacité à donner. Durant des siècles, l’accomplissement personnel a été lésé au profit de la vie de famille et de l’amour. Pour mieux comprendre ce fait sociologique, revenons-en à l’histoire.

Femmes et argent : une émancipation récente

Certes, au cours de ces dernières décennies, les droits des femmes ont grandement évolué. Ils restent malgré tout fragiles, voire bien trop faibles, dans divers pays. D’ailleurs, les inégalités économiques entre les hommes et les femmes persistent.

Jusqu’en 1965 en France, les femmes étaient sous la tutelle de leur mari

Ne l’oublions pas, si la gent féminine a pu voter pour la première fois en 1945 – soit presque 100 ans après les hommes – Il a fallu attendre le 13 juillet 1965, pour que le régime matrimonial de 1804 soit réformé par le gouvernement Pompidou. Objectif, favoriser l’égalité entre l’homme et la femme au sein des couples mariés. Car, avant cette loi historique qui a émancipé les Françaises, elles étaient sous la tutelle de leur mari. Elles ne pouvaient ni ouvrir un compte bancaire, ni travailler sans l’accord de leur mari.

La promulgation de cette loi a radicalement modifié leurs conditions de vie ainsi que leur quotidien. À partir de cette date, elles ont pu :

  • Ouvrir un compte bancaire en leur nom propre, et ce, sans l’accord préalable de leur époux
  • Travailler, sans le consentement de leur mari époux
  • Gérer leurs biens personnels par elles-mêmes
  • Donner leur autorisation pour des décisions importantes, au même titre que leur conjoint : exemple, la vente d’un bien immobilier.

L’égalité financière entre les sexes n’a, pour autant, pas suivie.

Femmes et argent : « Des inégalités profondes qui s’enracinent dans des histoires anciennes »

Le 19 avril dernier, l’historienne Michelle Perrot a fait l’ouverture du Forum ViveS, le média des femmes qui osent parler d’argent. Celle qui a longuement étudié l’histoire des femmes est revenue sur les inégalités profondes qui s’enracinent dans les histoires anciennes. « La hiérarchie entre les sexes existe depuis la préhistoire, et même avant », rappelle-t-elle.

« Au XIXe, La vie publique et politique est réservée aux hommes et la sphère privée, soit la maison, aux femmes, qui demeurent néanmoins contrôlées par les hommes », pointe-t-elle. L’argent est rapporté par les hommes. « Pour les féministes, le mariage est vu comme de la prostitution légale », rapporte l’historienne. Si dans la bourgeoisie les hommes donnent une grande part des revenus aux femmes, pour qu’elles puissent gérer le quotidien, les affaires restent une question d’hommes. « Plus les femmes sont loin de l’argent, plus cela vaut », indique l’experte.

Femmes, argent et travail : le don comme accomplissement d’une vie

Selon Michelle Perrot, l’argent et le travail sont des frontières que les femmes ont dû franchir progressivement.

En effet, « les femmes ont longuement fait partie (et le font toujours) d’un système ‘don contre don’ », analyse l’autrice de l’ouvrage « Le temps des féminismes » (2023). « Les femmes donnent et se donnent, c’est leur honneur », ajoute-t-elle. Et de rappeler : « Les femmes, ont toujours travaillé, mais longtemps sans contrepartie ». Cette logique du don est considérée comme l’accomplissement d’une vie : donner à sa famille, son mari, ses enfants, ses amis, ses collègues, à des inconnus… Or, ce don de soi est aussi un obstacle majeur pour leur émancipation financière. Les femmes s’auto-censurent en donnant de bon cœur, sans rien attendre en retour.

Femmes, argent et travail : des avancées, mais gare au recul

« L’évolution sociétale et économique a permis de dépasser divers limites et frontières, mais un risque de recul dans tous les domaines persiste », alerte l’historienne.

Femmes, argent et travail : les femmes remplacent les hommes avant d’être renvoyées au foyer

Ce n’est qu’en 1906 qu’une loi a permis aux femmes de percevoir directement leur salaire. Elle n’a cependant pas été votée en premier lieu en faveur de la gent féminine, mais au nom des enfants. « Car, à l’époque, les hommes buvaient beaucoup », pointe celle qui a écrit « Mon histoire des femmes ». Permettre aux épouses de toucher leur rémunération revenait ainsi à protéger leur progéniture ».

La Première GM a été une première période d’émancipation pour les femmes qui ont dû remplacer les hommes à l’usine. Mais à la fin de la guerre, elles ont été renvoyées au foyer pour s’occuper de nouveau à temps plein de la famille et faire des enfants. « Ce Phénomène de retour en arrière est récurrent. Il y a toujours un risque de recul », prévient l’experte. Après la Première GM, la bourgeoisie a été fragilisée et les femmes issues de ce milieu ont dû travailler et dans les années 20 et 30, l’ensemble de la gent féminine s’est révoltée, pour continuer à exercer une activité professionnelle et gagner leur vie. Le statut des femmes dans la société a ainsi toujours été remis en cause.

Femmes, argent et travail : « Le modèle français sait allier famille et activité professionnelle »

Malgré les progrès, le choix des métiers, les responsabilités et les salaires (12 % d’écart encore entre H&F) sont toujours inégalitaires aujourd’hui. « S’il y a un meilleur partage aujourd’hui au sein des couples, la famille, l’éducation des enfants et autres revient majoritairement aux femmes. Arrêt de carrière, maternité… Elles doivent faire des choix difficiles, mais restent toujours très occupées », rappelle Michelle Perrot.

Le manque d’éducation financière représente également un frein pour leurs finances personnelles.

Femmes et argent : un sujet tabou qui les empêche d’investir

Les Français ont un rapport complexé à l’argent et les femmes davantage.

Femmes et argent : une épargne moindre et sécurisée avant tout

D’après l’édition 2023 du Baromètre Femmes et Argent de ViveS, réalisé par l’IFOP, « les femmes ne sont pas très à l’aise avec les sujets financiers ». Certes, elles connaissent leurs finances et leurs dépenses, mais leur volonté d’épargner se heurte à une capacité moindre que leurs homologues masculins. La moitié des femmes interrogées gagnent moins que leur conjoint et 29 % d’entre elles n’épargnent pas par manque de moyens. Autre problème majeur, 82 % des femmes (et 70% des hommes) manquent d’éducation financière. Leur méconnaissance des produits financiers fait que les femmes possèdent peu de placements :

  • 37 % ont une assurance-vie en euros (vs 40 % des hommes)
  • 23 % possèdent une assurance-vie en unités de compte (vs 31 % des hommes)
  • 21 % détiennent un plan épargne retraite – PER- (vs 23 % des hommes)
  • 16 % ont ouvert un PEA (vs 22 % des hommes)
  • 5 % investissent en Bourse (vs 32 % des hommes) : seules 9 % ont un compte-titres de sociétés cotées contre 21 % des hommes. L’aversion au risque freine 95 % d’entre elles. Rappelons néanmoins que la « Bourse n’a été ouverte aux femmes qu’en 1967, il y a 55 ans seulement », note l’étude.

Enfin, l’argent demeure d’ailleurs un sujet tabou dans la société, mais aussi au sein du foyer. Il ne faut pas oublier qu’il conditionne les rapports de force. Ainsi, verbaliser la contribution de chacun peut être compliqué. Résultat:

  • 51 % d’entre elles n’en parlent pas avec leur conjoint (gare à la dépendance)
  • et 95 % n’évoquent pas ce sujet avec leurs enfants.

Les dépenses du foyer sont par ailleurs très genrées :

  • « 57% des femmes déclarent s’occuper des dépenses courantes
  • contre 33% des hommes ;
  • 54% des hommes déclarent s’occuper des placements financiers
  • contre 37% des femmes », peut-on lire dans le rapport.

Femmes et argent : des difficultés à se mobiliser pour gagner plus

Les femmes sont seulement 42 % à connaître leur juste valeur salariale (contre 49 % pour les hommes). 59 % ne se sentent pas à l’aise pour négocier un salaire lors d’un entretien d’embauche et 56 % pour demander une augmentation (contre respectivement 42 et 43 % pour les hommes).

Oser parler d’argent, se former et croire en soi et ses capacités pourraient changer ces phénomènes.

Par Nantcy L

Journaliste plurimedia depuis 15 ans, je m'intéresse à différents univers : économie, lifestyle, société, culture, psycho & développement personnel... Pour Comparateurbanque.com je vous livre, à l'aide d'experts, des conseils pour mieux gérer votre argent.

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