Les femmes et l’argent : « Je t’aime moi non plus » ?

Modifié le - Auteur Par Nantcy L -
Les femmes et l’argent : « Je t’aime moi non plus » ?

INTERVIEW.

Encore tabou, parler d’argent librement peut être un vrai sujet de discorde en société comme au sein du couple. Est-ce le prix à payer en amour ? Éléments de réponses avec Lucile Quillet, journaliste et autrice du livre « Ce que le couple hétéro coûte aux femmes ».

 

« Tu oses parler d’argent dans ton couple ? Oh la la, mais c’est honteux, et l’amour dans tout ça ? Tu ne crains pas qu’on te prenne pour une profiteuse ? Moi, j’aurais honte à ta place. En amour, on ne compte pas ! » Ces remarques et bien d’autres démontrent à quel point l’argent est encore un sujet hautement tabou, au sein de la société française, mais aussi dans le couple. Tiraillées entre liberté, accomplissement personnel, amour et vie de famille, les femmes entretiennent une relation très particulière avec l’argent. S’il était l’objet de tous leurs désirs, voici la déclaration qu’elles pourraient lui faire : « Je t’aime moi non plus. »

Femme et argent : un rapport ambigu

En raison des clichés persistants et par crainte de refléter une mauvaise image, les femmes n’osent en effet pas assez parler d’argent. Notamment avec leur conjoint.

« L’argent n’est pas associé au féminin »

Si, de manière générale, être en couple, permet de mutualiser les dépenses, sur le long terme, les femmes hétérosexuelles peuvent être lésées. C’est l’amer constat effectué par Lucile Quillet, autrice du livre « Le prix à payer, ce que le couple hétéro coûte aux femmes ».

Tabou, joie, puissance, peur, liberté… « Les femmes ont un rapport encore ambigu à l’argent. Elles l’utilisent, elles le gèrent et contrairement à ce que l’on peut penser, elles sont douées pour cela. Toutefois, ça reste encore un sujet à polémique », concède la journaliste. « La représentation que l’on se fait de la femme en société est toujours très stéréotypée. Elle est là pour donner, être appréciée par les autres et se consacrer à son entourage. La grande réalisation de sa vie doit être l’amour (être aimé, avoir une famille). Une femme qui se permet de parler d’argent et qui s’y intéresse est donc associée à une certaine insipidité. On trouve ainsi un peu vulgaire qu’une femme parle d’argent, qu’elle s’y intéresse. L’argent reste assimilé à un objet masculin, un gage de virilité. On ne l’associe pas au féminin. À l’inverse, la réussite d’un homme ne s’évalue pas via l’amour, mais par le pouvoir, l’argent et l’impact qu’il aura en général sur tous les pans de sa vie », indique-t-elle.

L’argent, « une question centrale dans la logistique quotidienne »

« Ces clichés font qu’encore aujourd’hui, par peur d’être jugées de vénales, d’égoïstes, beaucoup de femmes n’osent pas parler d’argent. Et notamment au sein de leur couple. Pourtant, c’est une question centrale dans la logistique du quotidien », assure celle qui écrit depuis des années sur la vie des femmes, leur travail, leurs enfants, leur corps, leur vie affective et leur argent. L’intérêt pour l’argent devient ainsi en quelque sorte une jauge d’amour. « On évalue notre amour en fonction de notre niveau d’intérêt pour l’argent, c’est injuste », s’insurge Lucile Quillet.

« Or, l’argent est le symbole de l’individualité. Penser à son argent, c’est penser à soi, à ses besoins, à sa protection. Il est un moyen de ne pas s’oublier. Ne pas en parler au sein d’un couple peut devenir dangereux, car on met en péril sa sécurité financière et son indépendance », prévient-elle. « C’est un problème pour beaucoup de femmes puisqu’il y a en moyenne, en France, 42 % d’écart de revenus au sein d’un couple. On pense souvent au 25 % d’écart de salaire entre les sexes, mais ce chiffre fait entièrement abstraction de toutes les femmes qui arrêtent de travailler pour s’occuper de leur famille », pointe la journaliste.

Le couple hétéronormé constitue-t-il alors une arnaque pour les finances des femmes ?

Femmes et argent : le lourd poids du couple et de la vie de famille

« Lorsqu’on écoute les femmes parler de leurs problématiques de travail, on s’aperçoit que rapidement, la vie privée vient impacter leur carrière et leurs finances », dévoile l’autrice.

Les femmes, le couple et l’argent : un manque à gagner considérable

« Une fois qu’on a des enfants, qu’on se met en couple, qu’on constitue une famille, la logique des choix effectués change. Habituellement, c’est celui qui gagne le plus qui a l’avantage et qui donne le « La » sur les conditions de vie (soit 75 % des hommes) », analyse-t-elle. « Logiquement, lorsque la femme perçoit un plus faible revenu, elle épargne donc moins. Surtout si la répartition des charges se fait par parts égales (50/50) au lieu d’un prorata. C’est une réelle arnaque. Sur le long terme, être en couple peut de ce fait nuire au patrimoine financier des femmes. Si nombreuses sont celles qui laissent leur conjoint s’occuper des finances, il ne faut pas omettre que 72 % des tâches domestiques et parentales sont gérées par les femmes. Elles ont donc la plupart du temps la charge des petites dépenses du quotidien (nourriture, droguerie…) périssables et volatiles, sur lesquelles elles ne peuvent pas capitaliser », note Lucile Quillet.

La carrière de la femme passe aussi majoritairement en second plan. « Lorsqu’il faut établir une barrière d’ajustement, qu’il n’y a par exemple pas de place en crèche, ou qu’il faut s’occuper des membres de la famille dépendants, ce sont généralement les femmes qui vont rester au foyer. En plus de « travailler gratuitement », elles ne cotisent ni pour le chômage, ni pour leur retraite. La vie privée impacte alors considérablement la carrière des femmes et engendre un manque à gagner colossal. La gent féminine fait un sacré don à la famille et aux hommes. Sans leur dévouement, ils ne pourraient pas avoir la carrière qu’ils ont. Et lorsqu’elles souhaitent retrouver un temps plein, elles peuvent être discriminées, car jugées pas assez investies », déplore-t-elle.

« Plein d’éléments viennent s’ajouter à cela, comme la charge contraceptive, (pilule, suivi gynécologique…) dont les frais ne sont pas partagés, ou encore la charge esthétique. L’écart entre hommes et femmes est ici immense. C’est la mise en perspective de plein de constats que j’ai effectuée individuellement qui m’a conduit à écrire cet ouvrage », confie la consultante.

Et d’ajouter : « Il est aussi important de noter que lors d’une séparation ou d’un veuvage, les femmes peuvent aussi se retrouver dans des situations précaires. Car, si elles ne sont pas mariées – ce qui devient de plus en plus fréquent- elles n’ont droit à rien (répartition des biens ou droit à la pension de réversion). On dit souvent que les femmes sont nulles en argent, pourtant, elles gèrent le plus difficile, le manque d’argent. Elles se démènent pour trouver des bons plans, des bons de réduction, demander des prestations sociales. La majorité des familles monoparentales sont tenues par des femmes. Elles ont plus de chance de tomber dans la pauvreté, mais parviennent malgré tout à gérer leur budget.»

Argent : « Les femmes créent une grande valeur, mais n’en récoltent pas les fruits »

Mariage, Pacs, retraite, réversion, congé parental, place en crèche… « Certaines de nos lois sont en décalage avec la société actuelle. Au lieu d’émanciper les femmes, elles les appauvrissent et les maintiennent dans un patriarcat décomplexé », pointe la journaliste. « Le changement doit être sociétal, l’état doit entamer urgemment des réformes. Il faudrait reconnaître le travail domestique. Les hommes y gagneraient aussi, notamment sur un allongement du congé paternité. Il devrait être égal au congé maternité. Un mécanisme de compensation devrait également être mis en place entre les couples. En répartissant les charges et l’argent, les hommes auraient ainsi plus de choix. Contrairement à ce que l’on peut penser, en amour, on compte, car on ne veut pas léser l’autre, mais le protéger et reconnaître le travail donné. L’argent est une question fondamentale, s’il est tabou dans le couple, c’est que quelque chose ne va pas. »

Et de conclure : « En couple ou non, les femmes doivent se sentir légitimes de parler d’argent et oser poser des questions à leur banquier ou demander une augmentation. »

Le mot de ComparareurBanque.com pour les femmes : 

Ne soyons pas victimes de la situation.
Nous sommes tous et toutes maîtres de notre vie et de ce que nous en faisons. Si vous ne vous battez pas pour la mener vers votre idéal personne ne le fera pour vous. Chaque choix, implique un renoncement et la responsabilité de cette décision.
La vie n’a jamais été simple. Pour personne. Et peut-être en effet encore moins pour les femmes. Osez créer, osez dire, osez être qui vous souhaitez, … La vie est si courte et personne ne pourra vous reprocher d’avoir juste souhaité vivre votre vie.

Par Nantcy L

Journaliste plurimedia depuis 15 ans, je m'intéresse à différents univers : économie, lifestyle, société, culture, psycho & développement personnel... Pour Comparateurbanque.com je vous livre, à l'aide d'experts, des conseils pour mieux gérer votre argent.

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