Système fiscal français : une anomalie qui coûte 150 milliards par an

Publié le - Auteur Par Tony L. -
Système fiscal français : une anomalie qui coûte 150 milliards par an

La France est engluée dans un modèle économique étouffant, marqué par une fiscalité accablante sur le travail et une hypertrophie de l’État digne d’une économie planifiée. Pour s’extirper de ce bourbier, une conclusion s’impose : il faut tourner la page de ce « communisme » fiscal et cesser de laisser les fonctionnaires diriger officieusement le pays. Les constats chiffrés sont sans appel et dressent le portrait d’une exception française aux effets délétères.

Un fardeau fiscal écrasant sur le travail

Un premier indicateur du mal français est la pression sociale et fiscale hors norme qui pèse sur les salariés et les entreprises. Un exemple révélateur : pour un salaire de 100 000€ brut annuel, une entreprise doit débourser environ 142 000€ en France, contre seulement 114 000€ en Allemagne. Autrement dit, les cotisations et charges sociales additionnelles en France (environ 42 000€) représentent trois fois celles versées outre-Rhin (environ 14 000€) pour le même poste. Le constat est similaire vis-à-vis des Pays-Bas ou de l’Espagne. Ces écarts abyssaux signifient qu’employer un cadre supérieur coûte bien plus cher en France que chez nos voisins, handicapant lourdement la compétitivité des entreprises françaises.

Il n’est donc pas surprenant que la France soit championne d’Europe de la taxation du travail. Selon une étude de l’institut Molinari, le salarié moyen français a travaillé jusqu’au 17 juillet 2024 uniquement pour financer les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires, ce qui place la France au premier rang européen dans ce triste classement. En d’autres termes, plus de 54% des richesses produites par un salarié moyen sont confisquées via les cotisations sociales, la CSG-CRDS, l’impôt sur le revenu et la TVA. Ce « Jour de libération fiscale » en plein été illustre avec un humour froid la situation ubuesque où plus de la moitié de l’année, nous travaillons pour l’État avant de pouvoir profiter du fruit de notre labeur. La comparaison est cruelle : la moyenne de l’UE exige « seulement » 84€ de prélèvements pour 100€ de revenu disponible, contre 118€ en France pour le même résultat net. Le message est clair : en France, la réussite se paie au prix fort.

Une économie étatisée à l’excès, digne d’une inspiration collectiviste

Ce fardeau fiscal trouve son origine dans un choix de société, celui d’un État providence tentaculaire qui dépense sans compter. Les dépenses publiques françaises atteignent environ 58% du PIB, un record absolu en Europe, très largement supérieur à la moyenne de la zone euro (aux alentours de 50% du PIB). Cette frénésie de dépense publique – on peut parler de « championne des dépenses publiques » – rappelle par bien des aspects les travers d’une économie collectiviste, où l’État centralisé contrôle et redistribue une part extravagante de la richesse nationale. À titre de comparaison, même les pays nordiques souvent cités en exemple (Suède, Danemark…) affichent aujourd’hui une part de dépense publique nettement inférieure à celle de la France. En clair, la France est devenue plus socialiste que les social-démocraties scandinaves en matière budgétaire, ce qui donne à réfléchir.

Pour financer ce train de vie étatique dispendieux, la France impose des prélèvements obligatoires exorbitants, en premier lieu sur les entreprises et les salariés. En 2023, la pression fiscale française dépassait de 5 points de PIB la moyenne européenne, soit environ 150 milliards d’euros d’écart par an. Cet énorme « boulet fiscal » de 150 milliards € constitue un handicap structurel pour nos entreprises face à leurs concurrentes allemandes et européennes. Il provient principalement de deux sources, les taxes sur la production (impôts et cotisations spécifiques pesant sur les facteurs de production) et des cotisations sociales patronales particulièrement élevées. En somme, nous avons choisi de faire porter à nos forces productives le financement d’un État obèse – au risque de les asphyxier.

Les effets pervers de ce modèle se font sentir depuis des années. La France a vu son industrie décliner, ses parts de marché à l’export s’effriter et affiche régulièrement un chômage supérieur à la moyenne de la zone euro. L’investissement productif souffre d’un climat peu accueillant, où la réussite entrepreneuriale est accueillie par une avalanche de ponctions. Beaucoup de talents et d’entrepreneurs votent avec leurs pieds, partant tenter leur chance sous des cieux fiscaux plus cléments. On frôle la caricature du célèbre slogan « ils font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler » – sauf qu’ici, ce sont les créateurs de richesses qui payent pour un État qui, lui, ne sait que trop bien dépenser.

Le pouvoir exorbitant de la bureaucratie française

Comment en est-on arrivé là ? L’une des explications tient à la mainmise de la haute fonction publique sur les rouages du pays. La France, fidèle à sa tradition colbertiste, a confié depuis longtemps les clés de la machine étatique à une élite administrative (souvent issue de l’ENA et de grands corps) qui conçoit et met en œuvre les politiques publiques… et occupe bien souvent elle-même les postes ministériels. Dès lors, le jeu démocratique est biaisé, les grands arbitrages sont trop souvent faits par et pour cette caste de hauts fonctionnaires, au détriment du secteur privé. Ce sont les fonctionnaires qui gouvernent de fait le pays, perpétuant un statu quo favorable à l’expansion de la sphère publique.

Les chiffres du secteur public parlent d’eux-mêmes. La France comptait en 2021 5,65 millions d’emplois publics, contre 4,34 millions en Allemagne. Cela représente 30% de fonctionnaires de plus qu’outre-Rhin, alors même que l’Allemagne compte 15 millions d’habitants de plus que nous. Dit autrement, la France emploie une proportion bien plus grande de sa population dans la fonction publique ; en proportion de l’emploi total, nous figurons parmi les pays les plus publics au monde. Pour revenir ne serait-ce qu’au niveau allemand, il faudrait supprimer environ 1,8 million de postes de fonctionnaires en France – un chiffre qui donne le vertige et mesure l’ampleur de notre hypertrophie administrative.

Cette pléthore de personnel public entraîne mécaniquement des dépenses massives en salaires, pensions et fonctionnement, que la collectivité finance inlassablement via l’impôt et la dette. Elle confère surtout aux syndicats de la fonction publique un pouvoir de blocage redoutable. Chaque tentative de réforme un peu sérieuse de l’État-providence se heurte à une levée de boucliers quasi-générale. Il n’est pas anodin que la France détienne aussi le record de jours de grève en Europe sur la plupart des périodes mesurées. Cette culture de l’immobilisme revendicatif – très présente dans les transports, l’éducation, les administrations – fige les positions acquises. Les gouvernements successifs, souvent composés d’anciens énarques ou hauts fonctionnaires eux-mêmes, cèdent volontiers à ces pressions corporatistes, abandonnant les réformes structurelles dès que la rue gronde. C’est le serpent qui se mord la queue, le pouvoir bureaucratique entretient la surinflation de fonctionnaires, laquelle alimente à son tour le pouvoir des syndicats et la résistance au changement.

L’inaction complice du gouvernement et de l’Union européenne

Face à ce constat, la responsabilité du gouvernement français est évidemment engagée. Depuis des décennies, aucun gouvernement n’a réellement inversé la trajectoire. Certes, on a vu passer quelques mesures cosméticiennes : baisses ciblées de charges (CICE et allègements Fillon) ou promesses de « chasse aux gaspillages ». Mais dans l’ensemble, l’État continue de grossir et de vivre au-dessus de ses moyens. Les rares tentatives courageuses – réforme des retraites, réduction du nombre de fonctionnaires, baisse des dépenses – sont édulcorées ou enterrées face à la fronde des intérêts constitués. On préfère augmenter les impôts ou créer de nouvelles taxes (souvent furtives et complexes) plutôt que de tailler dans le vif du mammouth administratif. Il est plus facile politiquement de ponctionner les entreprises et les « riches » que de risquer de froisser la fonction publique ou de remettre en cause le millefeuille de nos agences, comités et autres rentes publiques.

Quant à l’Union européenne, elle apparaît comme complice dans cette dérive française. En théorie, la zone euro impose des règles de discipline budgétaire (Pacte de stabilité) pour éviter qu’un État ne plombe l’ensemble. En pratique, la France a bénéficié d’une indulgence coupable de la part de Bruxelles et de ses partenaires. Déficits chroniques au-delà des 3% du PIB, dette publique envolée à 112% du PIB en 2024 (plus de 3 230 milliards d’euros), réformes structurelles repoussées – tout cela est connu et toléré depuis trop longtemps. Paris obtient délais sur délais, et l’argent bon marché de la BCE a permis de masquer le problème en évitant une crise de financement. L’Allemagne et d’autres, pourtant agacés par l’indiscipline française, ferment les yeux, sans doute par calcul politique, on ne brusque pas la deuxième économie de l’eurozone, fût-elle le mauvais élève de la classe en matière de comptes publics.

Cette mansuétude européenne n’aide ni la France ni l’Union. D’une part, elle a conforté nos dirigeants dans l’inaction, le gouvernement se retranchant parfois derrière l’excuse d’une « exception culturelle » française en matière sociale. D’autre part, le manque d’harmonisation fiscale au sein de l’UE crée des distorsions dommageables : nos partenaires voient d’un œil médusé la France s’enfoncer dans un modèle quasi ingouvernable, tout en redoutant l’impact sur la stabilité de l’ensemble. Car un État français affaibli, croulant sous la dette et le chômage, ne peut que tirer vers le bas la croissance européenne et alimenter les tensions (désindustrialisation, migrations de travailleurs qualifiés, etc.). En ce sens, l’Europe paye aussi les pots cassés de ce laxisme, on l’a vu avec l’explosion des déficits commerciaux, où la France achète aux autres ce qu’elle ne produit plus suffisamment.

Rompre sans pitié avec le statu quo

Les faits sont tenaces, le « modèle français » actuel n’est plus soutenable. On ne peut pas indéfiniment demander à l’économie réelle de financer une sorte de mini-URSS bureaucratique nichée au cœur de l’Europe de l’Ouest, on parle aujourd’hui d’UERSS. À rester dans ce déni, on s’expose à une catastrophe, tôt ou tard, les marchés ou les créanciers nous rappelleront à l’ordre, de manière brutale. Faut-il attendre une crise de la dette à la grecque pour agir ? Certainement pas. L’heure n’est plus aux demi-mesures, mais à une reconversion radicale.

Être réaliste dans le diagnostic, c’est déjà nommer le mal : oui, un certain communisme administratif et fiscal s’est installé en France, et ça ne date pas d’hier. Il ne s’agit pas tout à fait du communisme politique au sens historique, mais plutôt d’une idéologie rampante qui en est dérivée, consistant à tout collectiviser par l’impôt et la réglementation, à suspecter la réussite privée, et à confier les leviers à une noblesse d’État hors-sol. Ce logiciel doit être désinstallé.

Les solutions, elles, sont connues depuis longtemps, et maintes fois recommandées par les économistes lucides (souvent traités de « néolibéraux » pour les discréditer). Il faut desserrer d’urgence l’étau fiscal, baisser substantiellement les charges qui pèsent sur le travail et la production, même si cela implique de réduire la voilure de l’État. Il faut s’attaquer au cancer de la dépense publique : remettre à plat les politiques les plus coûteuses (retraites, fonction publique, aides inefficaces), traquer les doublons et privilèges, et oser réduire les effectifs pléthoriques là où ils ne sont pas indispensables. Réaligner enfin la fonction publique sur l’intérêt général réel, cela passe par une réforme de l’État qui introduise efficacité, accountability (responsabilité) et contrôle, afin que l’administration serve le pays et non l’inverse.

Bien sûr, ce programme de choc ne plaira pas à ceux qui bénéficient du statu quo. L’état profond composé de hauts fonctionnaires et de technocrates défendront bec et ongles leurs positions, les syndicats descendront dans la rue à la moindre coupe budgétaire, et il faudra une volonté politique de fer pour tenir le cap face aux cris d’orfraie. Mais à force de procrastination, la France s’est mise dans une situation où chaque année rend la thérapie plus douloureuse. Gouverner, c’est prévoir, ne pas agir maintenant serait une faute lourde.

Sources : economie.gouv.fr,  ifrap.org, fradeo.com, institutmolinari.org

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Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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