TVA sociale : l’impôt qui veut soigner la Sécu en vidant ton portefeuille

Publié le - Auteur Par Lucie -
TVA sociale : l’impôt qui veut soigner la Sécu en vidant ton portefeuille

Plus de 45% de pression fiscale en France

C’est l’un des records d’Europe : en 2023, la France affichait un taux de prélèvements obligatoires de 45,4% du PIB, selon l’OCDE. Impôts, cotisations, taxes : une part gigantesque de la richesse nationale passe par les caisses de l’État. Et pourtant, les déficits publics continuent de s’envoler. Notamment celui de la Sécurité sociale, estimé à plus de 17 milliards d’euros pour 2025. C’est dans ce contexte explosif qu’Emmanuel Macron relance une vieille idée : la TVA sociale.

Une « nouvelle » taxe… pas si nouvelle

La TVA sociale, ou plutôt la hausse ciblée de la TVA pour financer la Sécurité sociale, n’est pas une invention de Macron. Nicolas Sarkozy l’avait déjà instaurée en 2012, juste avant sa défaite. À l’époque, elle visait à réduire les cotisations patronales pour améliorer la compétitivité des entreprises, tout en reportant le financement de la Sécu sur la consommation.

Aujourd’hui, le président de la République remet la pièce dans la machine. Lors d’une réunion à huis clos avec des proches du gouvernement début mai, il aurait proposé de relancer ce mécanisme : baisser les cotisations sociales qui pèsent sur le travail, en échange d’une hausse de la TVA, l’impôt le plus indolore pour l’État… mais pas pour les ménages.

À quoi servirait cette hausse de la TVA ?

Officiellement, l’objectif serait triple :

  • Résorber le déficit de la Sécurité sociale ;
  • Encourager l’emploi en réduisant le coût du travail ;
  • Faire contribuer les importations, qui sont aussi soumises à la TVA.

Une TVA sociale serait donc présentée comme un levier « juste » et « efficace » pour alléger les charges salariales et redonner de la marge aux entreprises. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire parle d’un « outil à étudier sans tabou », bien que la piste ne soit pour l’instant ni actée ni chiffrée.

La grande illusion fiscale

En réalité, toute baisse d’une taxe s’accompagne toujours d’un effet boomerang. La suppression de la taxe d’habitation ? Comblée par une explosion des impôts fonciers. Le gel de certaines cotisations ? Compensation par des hausses de CSG. ⚠️ Les taxes ne disparaissent jamais : elles changent de nom, de forme, mais elles reviennent, souvent plus lourdes.

Et avec la TVA, l’État dispose d’un outil redoutable : invisible pour le contribuable au moment de l’achat, elle s’applique sur presque tout, touche tout le monde, et rapporte gros. Une hausse de seulement 1 point pourrait générer plus de 8 milliards d’euros de recettes supplémentaires. À comparer aux 17 milliards de déficit prévus pour la Sécu…

TVA Sociale : Une idée largement contestée

Du côté des syndicats, la riposte est immédiate. La CGT, FO et même la CFDT dénoncent une mesure injuste, qui ferait peser la charge sur les ménages, et en particulier les plus modestes. Car la TVA est un impôt régressif : chacun paie le même taux, mais ceux qui consacrent une part plus importante de leurs revenus à la consommation – les plus pauvres – sont les plus pénalisés.

Philippe Martinez (ex-CGT) le résumait déjà ainsi en 2022 : « C’est faire payer les travailleurs pour financer les exonérations patronales. »

Même son de cloche du côté des économistes de gauche, comme Michaël Zemmour (Université Paris 1), qui évoque « une mesure inefficace pour l’emploi, mais redoutablement efficace pour creuser les inégalités ».

Une logique déjà remise en question

Dans une tribune aux Échos, plusieurs experts rappellent que la TVA sociale a été testée, abandonnée, et n’a jamais vraiment tenu ses promesses. Notamment en Allemagne, où la hausse de la TVA en 2007 n’a pas eu d’effet clair sur l’emploi. Et en France, l’expérience de 2012 s’est arrêtée net, balayée par la nouvelle majorité.

Pire : certains, comme Mourad Boudjellal sur RMC, vont plus loin en parlant de « choix délibéré du chômage de masse » en France, et considèrent que cette mesure revient à faire payer les plus fragiles au lieu de réformer structurellement le pays.

Une réforme-piège à retardement ?

Pour les partisans de la TVA sociale, cette taxe serait neutre et favoriserait l’emploi. Mais en réalité, elle accentue la pression sur les ménages, en particulier les retraités, les familles, les précaires. En période d’inflation persistante, toucher à la TVA revient à aggraver la baisse du pouvoir d’achat.

Et politiquement, c’est un champ de mines : 97% des Français sont opposés à toute hausse d’impôt (sondage IFOP, 2024), même indirecte. Difficile d’imaginer cette mesure passer sans provoquer de vives tensions sociales.

Une fuite en avant fiscale

Plutôt que de chercher à créer un nouvel impôt qui racle les fonds de poche des consommateurs, la vraie question devrait être : où passent les milliards de la Sécurité sociale ? Et surtout : pourquoi ne pas repenser le système plutôt que le renflouer en boucle ?

L’idée de TVA sociale donne l’illusion d’un levier simple et indolore. En vérité, elle camoufle mal une réalité brutale : les dépenses explosent, les recettes s’épuisent, et c’est encore la consommation populaire qui trinque.

Quand la Sécu saigne, c’est le portefeuille qui prend

Emmanuel Macron, avec sa relance de la TVA sociale, remet sur la table une fausse bonne idée. Politiquement risquée, économiquement douteuse et socialement injuste, elle soulève une question centrale : faut-il vraiment en rajouter une couche fiscale à un pays déjà lessivé par les prélèvements ?

Si la France est championne du monde des impôts, ce n’est pas un hasard. Et si l’on continue ainsi, chaque plein de courses deviendra une subvention déguisée à un système à bout de souffle.

Connexe : Pouvoir d’achat et dépenses contraintes : Les Français subissent de plein fouet les mauvaises décisions de l’État

Par Lucie

Lucie est rédactrice sur ComparateurBanque.com depuis le début. Elle aime tester les offres et partager son expérience. Elle a aussi d'autres casquettes dans l'équipe.

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