Bernard Arnault règle ses comptes avec Bruxelles : quand le luxe claque la porte de l’UE

Publié le - Auteur Par Tony L. -
Bernard Arnault règle ses comptes avec Bruxelles : quand le luxe claque la porte de l’UE

Quand le roi du luxe sort la sulfateuse

Bernard Arnault ne parle pas souvent de politique commerciale, mais quand il le fait, le PDG de LVMH vise le cœur de cible. À la sortie de l’assemblée générale de son groupe, il a décoché une phrase qui résonne encore sur les murs de la rue de la Loi : « La Commission européenne, ce n’est pas une autorité politique mais une autorité bureaucratique. » Un tir groupé, sans fioritures, tirant au jugé sur la lenteur supposée de Bruxelles à négocier avec Washington.

Le patron du luxe reprend à son compte l’idée lancée quinze jours plus tôt par Elon Musk : créer une zone de libre‑échange totale entre États‑Unis et Union européenne. Et, comme s’il craignait que la punch‑line ne passe inaperçue, il ajoute une cartouche : « Ce sera la faute de Bruxelles si aucun accord n’est conclu avec la Maison‑Blanche. »

Des droits de douane ? un épouvantail qui cache autre chose

Depuis l’automne, l’administration Trump agite un tarif de 20% sur le cuir et les spiritueux européens. Pour l’heure, seuls 10% sont effectivement prélevés, mais la menace suffit : LVMH réalise un quart de son chiffre d’affaires outre‑Atlantique.

Plutôt que de s’en prendre à l’instigateur des taxes, Arnault cible le régulateur européen, coupable, selon lui, de s’enliser dans les procédures. Manière de rappeler que l’Europe n’a plus la main sur sa politique commerciale : chaque capitale attend son tour de parole, les négociateurs consultent huit directions générales, et la réponse part… quand les aiguilles du Berlaymont (l’immeuble qui abrite le siège de la Commission européenne à Bruxelles) en décident.

Humour noir du jour : « À Bruxelles, la réunion de crise commence quand la crise est déjà en bout de piste, prête à décoller », ironise un analyste bancaire. On ne saurait mieux résumer la situation.

Bruxelles sur pause, Washington en prise directe

Dans la vidéo relayée par BFM Business, Arnault oppose la Commission à Londres : « Les Britanniques, eux, discutent, eux, avancent. » Sous‑entendu : hors de l’UE, le Royaume‑Uni négocie plus vite. Dans la foulée, il prévient : « Si demain j’ai des droits de douane de 20%, oui, j’irai produire sur le territoire américain. »

Le message est clair : quand le réglementaire se fige, le capital se déplace. LVMH a déjà trois ateliers Louis Vuitton au Texas depuis 2019 ; le magnat du luxe laisse entendre qu’il peut doubler la mise sans cligner de l’œil. Washington passerait ainsi de client à usine, pendant que l’Europe compterait les conteneurs vides traversant l’Atlantique.

La menace texane qui pend au nez des maroquiniers français

Un sac Vuitton fabriqué à Rodeo (Texas) plutôt qu’à Vendôme (Loir‑et‑Cher) ? Chiffonnade symbolique pour l’artisanat national, mais logique comptable : produire sur place coûte moins cher qu’expédier un sac frappé d’un droit d’entrée à deux chiffres.

Pour Arnault, le piège ne vient pas de la frontière américaine mais bien de la paperasse européenne : le temps de trouver une position commune, les machines‑à‑coudre auront déjà traversé l’océan. Entre‑temps, la Chine aiguise ses chaînes de valeur et vampirise le cuir italien. Autrement dit : pendant que Bruxelles rédige des notes de cadrage, Pékin rédige des factures.

Ceux qui bloquent l’Europe portent des costards gris, pas des uniformes douaniers

L’argument central du milliardaire est brutal : ce ne sont pas les taxes qui freinent l’industrie européenne, mais l’incapacité institutionnelle à négocier vite et à s’ajuster. Ses mots claquent comme un rappel à l’ordre : « Une Europe paralysée par ses propres procédures, c’est un joueur de tennis qui attend que l’adversaire ait fini son passing‑shot pour bouger la raquette. »

Derrière la punchline, un constat plus large se dessine : si même le premier employeur d’artisans du luxe en Europe monte au créneau, c’est qu’un point de rupture approche. Les capitales observent qu’un PDG incarne désormais, à visage découvert, l’impatience grandissante des industriels face à Bruxelles.

Fin de règne pour les scribes de la rue de la Loi ?

Le PDG de LVMH n’est ni syndicaliste ni pamphlétaire ; quand il parle d’économie, c’est genou à terre pour beaucoup de ministres. En désignant la Commission comme maillon faible, il confirme que le blocage est interne, non externe. Les droits de douane sont le symptôme, la bureaucratie le virus.

Alors, avons‑nous assisté, ce jeudi, à la première fissure du plafond de verre bruxellois ? Si le patron le plus influent d’Europe lâche l’uppercut, il se pourrait que d’autres PDG enfilent bientôt les gants. Et si les États‑membres décident de reprendre la main, les scribes du Berlaymont chercheront une sortie de secours – le porte‑parapheur à la main.

En attendant, les sacs demeurent en France, mais les cartons d’emballage sont prêts. Bruxelles a 90 jours – pas un de plus – pour montrer qu’elle sait négocier plus vite que l’ombre d’un tarif. Sinon, la prochaine collection printemps‑été portera peut‑être l’étiquette : « Design in Europe, Made in Texas. »

Connexe : Comment le gouvernement ment aux français au sujet de la dette

Source : Reuters, AP News.

Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

Laisser un commentaire