
Revolut franchit une nouvelle étape clé dans sa stratégie de développement. La fintech britannique, forte de ses 55 millions de clients mondiaux (dont 5 millions en France), s’attaque désormais à un territoire jusqu’ici largement ignoré par les banques digitales : le distributeur automatique de billets. Et c’est l’Espagne qui ouvre le bal. Mais une question reste sur toutes les lèvres : la France sera-t-elle le prochain terrain de jeu ?
L’Espagne, laboratoire grandeur nature pour Revolut
C’est à Barcelone, lors du festival Primavera Sound, que Revolut a présenté ses premiers distributeurs automatiques nouvelle génération. Madrid et Barcelone verront dans les semaines qui viennent l’installation des 50 premières machines. L’objectif est clair : déployer jusqu’à 200 DAB d’ici 2026 dans les principales agglomérations espagnoles comme Malaga, Valence et d’autres zones touristiques et urbaines à forte affluence.
Pourquoi l’Espagne ? D’abord parce que le pays reste l’un des rares grands marchés européens où le cash domine encore largement : selon la Banque d’Espagne, plus de 60% des transactions en point de vente s’y règlent encore en espèces. Ensuite, parce que Revolut y rencontre déjà un succès solide avec près de 5 millions de clients locaux. Un terreau idéal pour lancer ce nouveau service physique.
Un distributeur nouvelle génération : bien plus qu’une simple borne de retrait
Si les distributeurs automatiques n’ont guère évolué depuis plusieurs décennies, Revolut a choisi de les moderniser de fond en comble. Exit les interfaces datées et les frais opaques : place à un design futuriste et à une palette de services inédite. Le DAB Revolut, équipé d’un écran tactile de 32 pouces, propose :
- Retraits d’espèces gratuits et illimités pour les clients Revolut.
- Distribution immédiate de cartes bancaires physiques (une carte gratuite par utilisateur).
- Ouverture de compte instantanée directement depuis la borne.
- Taux de change ultra-compétitifs, alignés sur ceux de l’application mobile.
- Fonctionnement avec ou sans carte (paiement sans contact, wallet mobile).
- Accessibilité linguistique totale avec 25 langues disponibles.
- Bientôt : dépôts d’espèces et authentification par reconnaissance faciale.
À terme, ces machines deviendront de véritables mini-agences autonomes, capables de servir les clients 24h/24.
Une stratégie physique pour conquérir de nouveaux clients
Au-delà du service rendu aux utilisateurs existants, Revolut poursuit ici un double objectif :
- Renforcer la visibilité de sa marque dans l’espace public physique, un domaine où les banques traditionnelles dominent encore largement.
- Accélérer l’acquisition de nouveaux clients grâce à des bornes permettant une ouverture de compte et l’obtention d’une carte bancaire en quelques minutes seulement.
Manjot Bhatia, responsable des opérations de Revolut, explique :
« Nous ne proposons pas seulement un accès à l’argent liquide plus intelligent ; nous renforçons également la présence de notre marque, approfondissons l’engagement client, et posons les bases de la prochaine phase de notre croissance à travers l’Europe. »
Un modèle hybride qui préfigure peut-être le futur de la banque
Ce lancement est tout sauf anecdotique. En réintroduisant une présence physique via ces distributeurs, Revolut esquisse un modèle bancaire hybride à la croisée du digital et du physique. Dans un monde où la fermeture des agences traditionnelles s’accélère partout en Europe, ces bornes autonomes pourraient bien combler un vide croissant.
Le choix de déployer ces distributeurs dans des zones touristiques et des hubs de transport vise aussi à capter la clientèle internationale, friande de solutions de retrait bon marché et de conversion de devises sans frais cachés. Les touristes européens, américains ou asiatiques trouveront là une alternative bien plus avantageuse aux distributeurs classiques grevés de frais bancaires opaques.
La France, prochain terrain de conquête ?
Pour l’instant, la France est en observation. Officiellement, Revolut indique que l’Espagne sert de test avant une extension à d’autres marchés européens dès 2026. Mais plusieurs indices laissent penser que l’Hexagone pourrait rapidement être concerné :
- La France est aujourd’hui l’un des plus gros marchés de Revolut avec 5 millions de clients actifs.
- L’appétit des Français pour les banques digitales et les solutions de paiement innovantes ne cesse de croître.
- Le réseau physique des banques historiques ne cesse de se réduire, créant un manque d’accès aux services de base (espèces, ouverture de compte, dépôt d’argent).
- Les mesures de sécurité avancées (reconnaissance faciale, chiffrement de bout en bout) pourraient séduire les régulateurs français soucieux de contrôle.
En clair, si le modèle espagnol fonctionne, les distributeurs automatiques Revolut pourraient bien fleurir à Paris, Lyon, Marseille ou Lille dans un avenir très proche.
Un signal fort face aux banques traditionnelles
Ce mouvement s’inscrit aussi dans la stratégie plus large de Revolut visant à concurrencer de front les grandes banques classiques. Là où ces dernières ferment agences sur agences pour réduire leurs coûts, Revolut mise sur une solution automatisée, flexible, et beaucoup plus légère à déployer.
Alors que le nombre de distributeurs classiques baisse en France (moins de 46 000 contre 52 000 il y a 10 ans selon la Banque de France), ces nouveaux DAB pourraient redonner accès au cash à des populations périurbaines ou rurales souvent délaissées.
Une réponse aux tensions réglementaires autour du cash
Il est à noter que ce déploiement massif intervient dans un contexte européen sensible autour de la circulation du numéraire. Alors que certains gouvernements européens songent à plafonner l’usage du liquide ou à surveiller plus finement les transactions en espèces, Revolut prend le contre-pied en facilitant l’accès au cash tout en répondant aux exigences de traçabilité numérique via ses outils KYC et sa technologie bancaire centralisée.
Une extension naturelle de l’offre Revolut
Au final, ces distributeurs ne sont qu’une brique de plus dans l’écosystème Revolut, qui propose déjà :
- Des comptes multidevises.
- Des cartes Metal haut de gamme.
- Du trading (actions, crypto, ETFs).
- Des solutions d’épargne.
- Des assurances voyage et santé.
- Des services de télécommunication (eSIM, forfaits mobiles).
Avec ces bornes, Revolut devient l’une des premières fintechs à proposer une offre à 360° qui conjugue la puissance du digital et les avantages du physique.
Le déploiement de ces distributeurs automatiques n’est pas qu’une simple curiosité espagnole. C’est un signal fort de la mue stratégique que connaissent les fintechs, capables aujourd’hui de concurrencer frontalement les banques traditionnelles sur tous les terrains. Si l’expérience espagnole confirme ses promesses, il est fort probable que la France soit l’une des prochaines étapes de cette conquête physique.
D’ici 2026, il ne serait pas surprenant de voir des bornes Revolut s’installer dans nos gares, nos aéroports, nos centres commerciaux et même nos zones rurales. Une révolution silencieuse est en marche. Les banques françaises, elles, feraient bien de garder un œil très attentif sur ces nouvelles machines venues bousculer les règles du jeu.