–70 M€ : c’est la décollecte nette du Livret A en juillet 2025, une première pour un mois d’été depuis dix ans. Le signal est clair : l’épargne réglementée perd de sa superbe, et les flux se réorientent vers des supports plus rémunérateurs.
Le constat statistique ne laisse guère de doute. En juillet 2025, le Livret A enregistre –0,07 Md€ quand le LDDS reste en positif, si bien que la collecte agrégée Livret A + LDDS sauve les meubles à +0,27 Md€. L’encours cumulé des deux produits atteint tout de même 609,4 Md€ fin juillet, tandis que le LEP progresse encore (+0,45 Md€ sur le mois, encours 80,2 Md€). L’épisode reste symbolique : après six mois habituellement porteurs, voir un mois de juillet négatif sur le Livret A rappelle que l’arbitrage des ménages est redevenu sensible aux taux.
Pourquoi la collecte bascule maintenant
Le 1er août 2025, le taux du Livret A est tombé de 2,4% à 1,7%, dans le sillage de la désinflation et de la formule réglementaire qui agrège inflation et taux monétaires. En parallèle, le LEP est abaissé à 2,7%. Le socle est officiel : annonce du ministère de l’Économie, proposition du gouverneur de la Banque de France. Dit autrement, la rémunération garantie et nette d’impôt du Livret A s’érode mécaniquement quand l’inflation se normalise.
Cette baisse change l’arithmétique du rendement réel. En juillet 2025, l’inflation ressort à 1,0% en glissement annuel (IPCH à 0,9%). À 1,7%, le Livret A ne dégage plus qu’un gain réel d’environ 0,7 à 0,8 point avant prise en compte de la règle des quinzaines. L’écart perçu par les épargnants est tangible : 10 000€ rémunérés à 1,7% génèrent 170€ par an, contre 240€ à 2,4% il y a peu. La baisse de 70€ sur un capital « moyen » explique, à elle seule, nombre de retraits.
Ce que disent les chiffres de la Caisse des Dépôts
La Caisse des Dépôts confirme une photographie contrastée : Livret A en léger retrait sur juillet (–70 M€), LDDS encore positif, LEP en collecte soutenue malgré son ajustement de taux. Le stock global demeure massif (plus de 609 Md€ pour Livret A + LDDS), preuve que le livret reste l’outil d’épargne de précaution numéro un, mais la tendance de flux se retourne quand la rémunération nominale recule. Pour mémoire, le plafond individuel du Livret A reste 22 950€, et les intérêts sont calculés par quinzaines (1er et 16 de chaque mois), ce qui pénalise les versements tardifs et encourage les mouvements de début de période.
Assurance-vie et marchés financiers en embuscade
Dans le même temps, l’assurance-vie enregistre un premier semestre 2025 tonique : +26,6 Md€ de collecte nette, un record depuis 2010. Les cotisations de juin bondissent de +18% sur un an, et les unités de compte captent la plus grande part des nouveaux flux. La coïncidence calendaire avec la baisse du Livret A n’a rien d’anodin : lorsque le rendement garanti des livrets recule, les ménages reconsidèrent la diversification (UC, PER, fonds thématiques) et privilégient des enveloppes fiscales de long terme.
Côté bourse, la détente des taux et une inflation maîtrisée soutiennent l’appétit pour le risque. Sans figer des objectifs de performance, la logique d’allocation redevient favorable aux fonds propres quand la rémunération sans risque diminue. Les données de place indiquent par ailleurs une progression graduelle des encours PEA, reflet d’un regain d’intérêt pour l’investissement en actions dans les portefeuilles des ménages.
Quelles conséquences pour l’épargne de précaution
Le Livret A reste un outil liquide et sécurisé, sans impôt ni prélèvements sociaux, adossé à une garantie de l’État et utile pour la trésorerie immédiate (dépenses imprévues, franchise d’assurance, charges courantes). Mais l’attractivité relative diminue dès lors que l’enveloppe dépasse le strict matelas de sécurité. À 1,7%, une part de l’épargne « excédentaire » migre vers des supports calibrés pour la durée : assurance-vie (fonds euros pour la stabilité, unités de compte pour la performance potentielle), PER pour l’optimisation fiscale, voire comptes à terme ponctuels selon les conditions des établissements. La gestion active des flux (arbitrages programmés, versements mensuels) permet de lisser l’entrée sur les marchés et de mieux piloter le risque.
Comment lire la « chute » sans contresens
Parler de chute ne signifie pas effondrement des encours, mais retrait net au mois là où l’été est historiquement porteur. Le message principal tient au prix du temps : lorsque la rémunération nette baisse et que l’inflation revient autour de 1%, le Livret A n’offre plus de prime sensible sur le pouvoir d’achat. Le signal-prix guide alors les épargnants vers des allocations hybrides : conserver une poire pour la soif sur livret, mais réinjecter le surplus dans des enveloppes capitalisantes ou de marché. C’est exactement ce que montrent les records de collecte de l’assurance-vie en 2025 et la décollecte estivale du Livret A.
Points techniques à ne pas négliger
Deux rappels simples évitent des pertes « invisibles ». D’abord, la règle des quinzaines : pour optimiser la capitalisation, mieux vaut effectuer dépôts et retraits avant le 1er ou le 16 du mois. Ensuite, le plafond de 22 950€ n’intègre pas les intérêts (qui peuvent le dépasser), mais il bloque tout versement additionnel au-delà. Enfin, l’option LEP reste, pour les ménages éligibles, le meilleur rendement net des livrets (2,7% depuis le 1er août). Ces paramètres influencent directement la collecte, surtout lorsqu’un ajustement de taux survient en cours d’année.
En synthèse
Le taux à 1,7% change la donne. Le Livret A conserve sa place d’épargne de précaution et d’outil de liquidité, mais perd du terrain sur l’épargne de moyen-long terme. La première décollecte estivale depuis dix ans, l’encours toujours élevé et la relocalisation d’une partie des flux vers l’assurance-vie dressent le portrait d’un épargnant mieux informé, attentif au rendement réel et à la diversification. Pour un budget robuste en 2025, l’équilibre gagnant reste le même : un matelas raisonnable sur Livret A, puis des choix patrimoniaux adaptés au horizon et à la tolérance au risque.
Ceci n’est pas un conseil en investissement mais un partage d’information. Faites vos propres recherches. Il y a un risque de perte en capital.
Sources (sélection) :
Caisse des Dépôts (collecte et encours juillet 2025) ; Ministère de l’Économie (baisse Livret A/LEP au 1er août 2025) ; Banque de France (recommandation de taux) ; INSEE (inflation juillet 2025) ; France Assureurs (collecte nette S1 2025) ; L’Express (arbitrages vers l’assurance-vie) ; BFMTV (première décollecte estivale en 10 ans).