Projet de réforme du PEA : cadeau fiscal ou piège pour votre épargne ?

Modifié le - Auteur Par Tony L. -
Projet de réforme du PEA : cadeau fiscal ou piège pour votre épargne ?

Les députés porteurs de la proposition de loi n°1627, déposée le 24 juin 2025, martèlent que les ménages placent 60% de leur argent sur des supports à rendement famélique pendant que les entreprises françaises s’étouffent faute de capitaux propres. Ils rappellent que l’encours du PEA plafonne à 116 milliards d’euros contre 2 075 milliards pour l’assurance-vie. Ils dégainent même Warren Buffett pour vanter l’« usage imaginatif » de l’épargne. La réalité est moins flatteuse, quand l’État chasse partout des ressources nouvelles, présenter le renforcement du PEA comme un impératif patriotique est commode et peu coûteux politiquement. Le diagnostic macroéconomique est juste ; l’intention, elle, est loin d’être neutre.

Le cœur du projet : la fin du plafond et la guerre des courtiers

Exit les 150 000€ de versement maximum ; le texte ouvre la porte à des dépôts illimités et autorise plusieurs PEA par personne. Objectif affiché : casser le quasi-monopole de l’assurance-vie et mettre les banques (et surtout les fintechs agressives) en concurrence frontale. Sur le papier, la mesure rend l’enveloppe enfin compétitive face au compte-titre ordinaire, déjà sans plafond. Dans les faits, elle crée un canal rêvé pour orienter un volume colossal d’épargne – et donc de recette fiscale future – sous la houlette du législateur. Ceux qui fantasment un « retour du capitalisme populaire » risquent de déchanter : multiplier les plans, c’est aussi multiplier les frais cachés, les arbitrages payants et la complexité administrative qui décourage déjà tant d’épargnants.

Vers un PEA à la sauce assurance-vie

Autre nouveauté explosive : l’alignement des règles successorales du PEA sur celles de l’assurance-vie. Jusqu’ici, la fiscalité du PEA devenait optimale après cinq ans, mais seulement pour l’impôt sur le revenu ; les droits de succession, eux, n’étaient pas aménagés. Désormais, la transmission pourrait bénéficier du fameux abattement de 152 500€ par bénéficiaire. À première vue, c’est généreux. En coulisse, c’est un missile adressé aux assureurs : si le PEA offre la même souplesse successorale sans les frais d’enveloppe, pourquoi garder des contrats bourrés d’obligations à 1% ? L’assurance-vie perdrait alors son statut d’étendard patrimonial, ce qui ramènerait mécaniquement des milliards de capitaux vers une Bourse française que l’exécutif cherche désespérément à soutenir.

Des supports d’investissement élargis… et piégeux

Le texte élargit la liste des actifs éligibles : titres de SARL, coopératives, obligations convertibles, participations, crowdfunding, ELTIF… En clair, la frontière entre PEA et PEA-PME disparaît. L’idée paraît séduisante : plus de lisibilité, plus de profondeur de marché. Mais ouvrir sans limites à des produits illiquides, c’est aussi transférer le risque des guichets bancaires vers les particuliers. Qu’adviendra-t-il lors de la prochaine correction boursière ? L’État n’aura pas à renflouer les banques ; ce sont les épargnants qui encaisseront directement la casse, et le régulateur, ravi, pointera la « responsabilité individuelle ».

Finance Europe : la tentation bruxelloise derrière le discours patriotique

À peine le projet de loi publié, Bercy l’a relié au nouveau label « Finance Europe », lancé mi-juin. Ce tampon promet une carotte fiscale aux produits investis à 70% minimum dans l’UE. On habille l’opération de « patriotisme économique ». Soyons clairs : il s’agit avant tout de mutualiser l’épargne privée pour pallier l’insuffisance chronique du budget européen. Les États ont déjà mutualisé la dette via NextGenerationEU ; ils veulent désormais mutualiser l’épargne via un marché unique des capitaux. L’incitation d’aujourd’hui peut devenir la contrainte de demain : limitez l’accès aux ETF américains, allongez la durée de blocage, renforcez les pénalités de sortie… Tout est en germe.

Ponction 2.0 : quand l’État change les règles du jeu

Depuis deux ans, ministres et hauts-fonctionnaires martèlent qu’ils ne toucheront jamais au Livret A ni à l’épargne privée. Dans le même temps, un relèvement de la flat-tax à 33% est déjà évoqué, la fiscalité de l’assurance-vie fait l’objet d’amendements récurrents, et la Cour des comptes suggère une « mobilisation » du bas de laine des ménages pour ramener le déficit sous les 3% du PIB. Transformer le PEA en hub d’investissement domestique offre un avantage décisif : l’argent devient traçable, facilement « fléché » vers des obligations vertes ou des emprunts de défense que l’État peine à placer. Les textes actuels ne prévoient aucun prélèvement, mais le dispositif crée l’architecture parfaite pour une contribution « exceptionnelle » le jour où les marchés réclameront leur dû.

Qui gagne, qui perd ?

✅ Les gagnants potentiels :

  • Les courtiers low-cost, qui verront affluer des flux jusqu’ici captifs de l’assurance-vie.

  • Les entreprises françaises de taille moyenne, probablement les premières bénéficiaires d’une manne d’actions nouvelles.

  • Le Trésor public, qui récupérera un marché domestique plus profond et un vivier fiscal élargi.

❌ Les perdants probables :

  • Les assureurs, menacés sur leur produit vedette et leurs marges.

  • Les ménages cherchant la diversification géographique : le label Finance Europe restreindra mécaniquement l’accès aux marchés américains ou asiatiques via le PEA.

  • Les contribuables patrimoniaux : si l’avantage successoral est confirmé, le fisc compensera forcément par des hausses ailleurs (prélèvements sociaux, flat-tax, taxes locales).

Stratégies défensives pour les épargnants

  1. Diversifier hors PEA : SCPI européennes, ETF monde sur compte-titre, or physique, obligations étrangères.

  2. Limiter les versements tant que le texte n’est pas définitif : la rédaction finale peut réduire les abattements, rallonger les durées, exclure certains supports.

  3. Choisir un courtier transparent : zéro droit de garde et absence de rétro-commissions constituent un minimum vital.

  4. Garder un volant de liquidités ou d’actifs hors de portée : comptes courants dans une banque étrangère de la zone SEPA ou actifs tangibles comme Bitcoin ou de l’or.

  5. Anticiper la succession : si l’alignement PEA/assurance-vie passe, arbitrer rapidement pour profiter des abattements avant un éventuel tour de vis fiscal ultérieur.

Un constat qui sert de prétexte

Le gouvernement présente sa réforme du PEA comme une bouée pour les entreprises françaises et un cadeau fiscal pour les ménages. En réalité, l’opération ressemble à un double pari : récupérer une partie des 6 000 milliards d’euros d’épargne financière afin de saturer un label Finance Europe taillé par et pour Bruxelles, tout en préparant un outil de captation budgétaire en cas de tension sur la dette. Les députés promettent la liberté d’investir ; ils offrent surtout à l’État un accès direct au portefeuille des citoyens. Les Français feraient bien de relire l’histoire récente, dès qu’une enveloppe est trop populaire, elle finit toujours par attirer la convoitise du fisc. Et ce projet de loi place une gigantesque cible sur le PEA.

Connexe : Ce que cache vraiment le label “Finance Europe” : votre argent en première ligne


Ceci n’est pas un conseil en investissement mais un partage d’information. Faites vos propres recherches. Il y a un risque de perte en capital.

Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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