Environ 30 milliards de billets en euros circulent actuellement dans la zone euro, selon les dernières données de la Banque centrale européenne (BCE). Leur renouvellement à venir représente un chantier logistique, industriel et budgétaire majeur, dont le coût est estimé à plusieurs centaines de millions d’euros, bien que la BCE reste discrète sur le chiffre exact.
La BCE finalise le design des futurs billets
Après plusieurs années de consultations publiques, d’analyses techniques et de discussions politiques, la Banque centrale européenne a officiellement annoncé début 2025 les nouveaux visuels des billets en euros. Le thème retenu est celui des “cultures européennes”, mettant en avant des personnalités, des symboles et des éléments identitaires du continent.
La nouvelle série remplacera progressivement celle de l’“Europe”, lancée entre 2013 et 2019, qui avait notamment intégré de nouvelles sécurités et l’effigie de la déesse Europe. Ces nouveaux billets seront plus inclusifs, modernes et représentatifs des valeurs européennes actuelles, selon Christine Lagarde, présidente de la BCE.
➡️ Ce que l’on sait du futur design des billets
Selon un communiqué officiel de la Banque de France (mars 2025), les nouveaux billets présenteront une combinaison d’éléments suivants :
- Des visages historiques emblématiques, comme Marie Curie, Joséphine Baker et Simone Veil, bien que leur intégration semble davantage prévue pour les pièces que pour les billets.
- Des symboles culturels communs : ponts, alphabets européens, architectures représentatives.
- Une nouvelle charte graphique, avec des couleurs retravaillées et des éléments tactiles améliorés.
- Des éléments de sécurité renforcés, incluant des hologrammes dynamiques, des encres optiquement variables et des micro-impressions plus complexes.
Le processus de création s’est appuyé sur des panels citoyens dans chacun des pays de la zone euro. Ces panels ont contribué à orienter les choix esthétiques tout en respectant les contraintes techniques imposées par la production.
Une initiative déjà évoquée dès mars 2024
La refonte des billets n’est pas une surprise pour les experts du secteur. En mars 2024, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la BCE avait évoqué l’intégration de trois figures féminines majeures dans l’univers monétaire européen : Marie Curie, Simone Veil et Joséphine Baker.
Toutefois, jusqu’à présent, aucune pièce ni billet à leur effigie n’a été mis en circulation. Ces figures pourraient apparaître dans une future série de pièces commémoratives, comme cela a été le cas pour les pièces de 2 euros en édition spéciale.
Quand les nouveaux billets seront-ils disponibles ?
Malgré des annonces remontant à 2022 sur le lancement d’une nouvelle série de billets, aucun billet de cette génération n’a encore été vu dans le circuit commercial à ce jour. En 2022, la BCE évoquait une mise en circulation pour “la seconde moitié de la décennie”.
Aujourd’hui, les dernières déclarations indiquent que :
- Le design final est désormais validé (mars 2025).
- Les premières émissions sont prévues pour 2026, avec une phase de cohabitation avec les anciens billets jusqu’à leur retrait progressif.
- Les points de distribution seront les mêmes que pour les billets actuels : banques commerciales, distributeurs automatiques, guichets postaux, et guichets des banques centrales nationales.
💰Un coût logistique conséquent
Changer l’intégralité des billets représente un coût élevé, lié notamment :
- À la production physique des nouveaux billets (papier fiduciaire, encres spéciales, sécurité),
- À la modification des automates (DAB, caisses automatiques, distributeurs de titres),
- À la campagne de communication, qui devra accompagner le grand public.
Selon une estimation officieuse relayée par plusieurs analystes financiers, le coût total pourrait atteindre entre 600 et 800 millions d’euros, répartis sur plusieurs années. Ce chiffre inclut également le recyclage progressif des anciens billets, un processus encadré par les banques centrales nationales.
La tentation de la planche à billets ?
Un tel renouvellement soulève inévitablement des interrogations. Le remplacement massif des billets ne signifie-t-il pas une émission supplémentaire de monnaie ? En d’autres termes, la BCE risque-t-elle d’activer la fameuse “planche à billets” sous couvert de modernisation esthétique ?
Sur ce point, l’institution européenne se veut rassurante. Selon le site officiel de la BCE, “la refonte des billets ne s’accompagne pas nécessairement d’une augmentation de la masse monétaire”. Le remplacement se fait à quantité constante, et les nouveaux billets sont émis en parallèle du retrait des anciens.
Néanmoins, dans un contexte de politique monétaire expansionniste depuis la crise sanitaire, certains économistes indépendants évoquent le risque d’inflation monétaire latente, surtout si la demande de liquidités augmente.
Pourquoi changer les billets ?
Selon la BCE, les principales raisons du changement sont les suivantes :
- Renforcer la sécurité : malgré leur fiabilité, les billets actuels sont exposés à des risques accrus de contrefaçon. Le nouveau design intègre des technologies avancées de lutte anti-falsification.
- Réaffirmer l’identité européenne : avec la montée des euroscepticismes et des crises géopolitiques, les billets deviennent aussi des instruments de communication symbolique.
- Adapter les billets aux nouveaux usages : meilleure lisibilité pour les malvoyants, adaptation aux nouvelles machines automatiques, résistance accrue aux manipulations.
- Répondre à la consultation publique : la BCE souhaite que les billets représentent mieux la diversité culturelle et les valeurs partagées en Europe.
À quoi faut-il s’attendre concrètement ?
Voici un tableau récapitulatif des principales caractéristiques à venir :
| Billet | Changement visuel prévu | Sécurité renforcée | Disponibilité estimée |
| 5€ | Nouveau fond culturel + couleur bleue modernisée | Hologramme dynamique | Mi-2026 |
| 10€ | Illustration inspirée d’éléments architecturaux réels | Bande iridescente | Fin 2026 |
| 20€ | Icônes artistiques + figures de l’Antiquité | Fil de sécurité repensé | Début 2027 |
| 50€ | Ponts réels + symboles européens | Micro-impression de nouvelle génération | 2027 |
| 100 et 200€ | Éléments modernes et futuristes | Encres thermochromes | 2027-2028 |
Quelle cohérence avec l’euro numérique ?
Le projet de refonte des billets intervient dans un contexte où la BCE travaille parallèlement sur l’introduction de l’euro numérique, une version digitale de la monnaie de banque centrale destinée à compléter les espèces et non à les remplacer. Ce projet a franchi une étape importante en octobre 2023 avec le lancement de la phase de préparation, en vue d’un potentiel déploiement à l’horizon 2026-2027.
Dès lors, une question s’impose : pourquoi investir plusieurs centaines de millions d’euros dans la modernisation des billets si la stratégie européenne tend vers une numérisation de la monnaie ?
La réponse de la BCE est sans ambiguïté : les espèces restent un pilier de la confiance dans la monnaie, notamment en tant que réserve de valeur, outil d’inclusion financière et symbole tangible de souveraineté monétaire. Selon une enquête menée par la BCE en 2024, 60% des citoyens de la zone euro souhaitent pouvoir continuer à utiliser les billets et les pièces, y compris dans un environnement de plus en plus dématérialisé.
De plus, maintenir un système fiduciaire robuste permet à l’Eurosystème de garantir l’accès à la monnaie publique, sans dépendre exclusivement d’intermédiaires privés. L’euro numérique et les nouveaux billets sont donc perçus comme deux volets complémentaires d’une même politique monétaire, visant à préserver la stabilité financière tout en adaptant l’euro aux évolutions technologiques.
Le renouvellement des billets en euros, prévu entre 2026 et 2028, s’inscrit dans une volonté de modernisation monétaire, d’amélioration sécuritaire et de représentation culturelle. S’il ne s’agit pas d’une création monétaire au sens strict, cette refonte devra être surveillée de près, notamment dans son impact sur la perception de la monnaie fiduciaire en période de transition vers les paiements numériques et, peut-être, vers l’euro numérique.
