
L’instauration récente de tarifs douaniers par l’administration Trump a fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, pour certains observateurs, cette démarche repose sur une logique économique claire : rééquilibrer la balance commerciale des États-Unis et accroître la production intérieure. Plutôt que de taxer davantage les entreprises américaines, Donald Trump choisit de frapper les biens importés afin de préserver les intérêts nationaux. Cette approche, saluée par certains acteurs politiques et économiques, n’est pourtant pas partagée par tout le monde, l’Union européenne, en particulier, s’inquiète de ces mesures dont elle estime qu’elles risquent d’affaiblir son économie déjà mal en point.
Les errements de la mondialisation
Dans un entretien sur Sud Radio où il aborde le cas des multinationales, Charles Gave, de l’Institut des Libertés, souligne que certaines firmes américaines ne paient plus d’impôt aux États-Unis. Cette situation trouve son origine dans l’organisation des chaînes de production, souvent délocalisées en Chine ou ailleurs, tandis que le siège de la société est établi dans des pays à fiscalité avantageuse comme l’Irlande. Le bénéfice réel est ainsi déclaré hors du territoire américain, ce qui limite la collecte d’impôts par Washington.
Face à ce phénomène, l’idée de Donald Trump est d’imposer des droits de douane pour que l’argent « échappé » du circuit fiscal habituel revienne partiellement dans les caisses de l’État. L’exemple exposé montre clairement que, si une entreprise fait fabriquer un produit à bas coût à l’étranger, puis le revend cher sur le marché intérieur, le Trésor américain se retrouve lésé. En guise de compensation, taxer l’importation permettrait de récupérer une partie de ce manque à gagner.
Un soutien à l’économie américaine
Cette mécanique donne à penser que la politique de Donald Trump se montre favorable aux travailleurs et aux entreprises locales qui produisent sur le sol américain. Les droits de douane, en rendant l’importation plus coûteuse, encouragent une relocalisation progressive de la production. Certes, les grandes firmes peuvent décider de compenser en réduisant leurs marges ou en baissant leurs coûts d’assemblage, mais l’essentiel est que l’État fédéral retrouve un moyen de financer ses dépenses et d’investir dans des projets nationaux.
Contrairement à ce que dénoncent certains opposants, l’idée n’est pas de renchérir le prix final pour le consommateur. Il arrive que les entreprises absorbent elles-mêmes ces nouveaux coûts pour ne pas perdre de parts de marché aux États-Unis. De ce point de vue, le consommateur américain n’est pas pénalisé au final, tandis que la société concernée fait face à une redistribution des cartes.
Un coup d’arrêt à la libre circulation désavantageuse
La mondialisation, souvent perçue comme un libre-service pour les grandes multinationales, a ouvert la voie à une fragmentation extrême de la production : la recherche et développement a lieu aux États-Unis, la fabrication en Asie et la domiciliation fiscale dans un pays européen à la taxation réduite. Ce système, qui a profité à une élite financière et actionnariale, s’est fait au détriment des classes moyennes et populaires, et ce dans tous les pays où l’on a laissé cette mondialisation débauchée prospérer.
En imposant des tarifs douaniers, Donald Trump entend mettre fin aux stratégies d’optimisation qui permettent à des entreprises américaines de maximiser leurs profits hors du sol national. Selon cette logique, si la valeur ajoutée est créée grâce à la main-d’œuvre chinoise et au savoir-faire américain, alors l’administration se doit de récupérer sa part fiscale, même si la firme passe par une filiale irlandaise pour y échapper.
Des conséquences pour l’Union européenne
L’UE, de son côté, se retrouve dans une posture délicate. Son marché intérieur, réputé pour sa taille et son pouvoir d’achat, pâtit d’une règlementation trop souvent complexe et d’une architecture fiscale peu adaptée à la concurrence globale. Les citoyens européens voient les grands groupes circuler librement, tout en observant un appauvrissement relatif de leur propre région : délocalisations, déficits publics, chômage qui demeure élevé dans plusieurs pays et appauvrissement de leur économie entraînant celle de leurs citoyens.
Plutôt que d’anticiper et de proposer une solution coordonnée, les dirigeants européens sont nombreux à condamner la politique de Donald Trump, sans offrir une riposte structurée. Les faiblesses intrinsèques de l’Union européenne ne datent pourtant pas d’hier, stratégies fiscales divergentes entre États membres, absence d’une vision industrielle commune, gestion budgétaire contraignante dans certains pays… Autant d’éléments qui participent à la stagnation des salaires et à une forme de malaise chez les populations locales.
En s’opposant ouvertement à la démarche américaine, l’UE n’a guère convaincu les investisseurs ni rassuré ses propres citoyens. Une partie de la population juge que les autorités bruxelloises défendent davantage les intérêts d’un bloc administratif, bras armé des mondialistes, qu’elles ne protègent les réalités économiques quotidiennes. Aux États-Unis, au contraire, la population perçoit la fermeté de Donald Trump comme un moyen de rééquilibrer la donne et de favoriser la croissance intérieure.
Le rôle de la taxation sur les services numériques
Le prochain chantier concernera probablement la fiscalité des entreprises qui opèrent exclusivement en ligne. Charles Gave évoque déjà cette éventualité, lorsqu’une société ne vend que des services immatériels et déclare ses profits dans un pays à très faible impôt sur les sociétés, comment les gouvernements peuvent-ils prélever leur part légitime ?
Certains plaident pour une taxe directement appliquée aux ventes réalisées dans le pays où le consommateur final se trouve. D’autres défendent des mesures encore plus strictes. Dans ce cadre, Donald Trump pourrait continuer d’agir de manière ciblée, lorsqu’il estime que la présence locale de ces acteurs est insuffisante, les tarifs douaniers numériques ou de nouvelles formes de prélèvements pourraient être appliqués.
Le protectionnisme comme bouc émissaire
Les adversaires de la politique de Trump, notamment en Europe, crient au protectionnisme et à la « fin du libre-échange ». Il faut cependant rappeler que le libre-échange absolu n’a jamais existé : les blocs économiques ont toujours cherché à protéger certains secteurs stratégiques. Ce que l’administration Trump propose, c’est une remise en cause d’une mondialisation sauvage telle qu’elle s’est développée au cours des dernières décennies, particulièrement en matière de fiscalité.
Le message envoyé à l’UE est limpide, les États-Unis attendent des partenariats plus équitables et une répartition des charges plus équilibrée. Dans le cas contraire, l’Amérique utilisera son poids économique et diplomatique pour privilégier ses propres intérêts. À moyen terme, l’Union européenne risque de voir son tissu productif affaibli et ses citoyens subir les effets d’une compétition qu’elle ne maîtrise pas.
Ainsi, nous constatons que l’administration Trump offre une solution pragmatique à un problème de collecte de l’impôt que personne ne s’est résolu à régler auparavant. Les multinationales domiciliées en Irlande ou dans d’autres paradis fiscaux ne peuvent plus ignorer le signal, les États-Unis entendent récupérer la part qui leur est due. Et en laissant la situation s’éterniser, l’UE prend le risque de voir la « révolte » fiscale s’étendre, tandis que Washington fait figure de moteur pour redistribuer les cartes.
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