Le taux de privation correspond à la proportion de ménages contraints de renoncer à certains produits et services nécessaires à la vie courante comme se chauffer correctement, consommer de la viande tous les deux jours ou s’acheter des habits neufs. En 2022, ce taux a atteint 14% de la population en France. Un triste record qui va encore certainement exploser en 2023. En quoi consiste la privation concrètement, quels sont les signes de paupérisation ?
Privation : une mesure alternative de la pauvreté
Créé en 2013, le taux de privation matérielle et sociale est un indicateur désignant une situation de difficulté économique, une incapacité à se procurer des biens et services indispensables à la vie courante. Son calcul se base sur les restrictions matérielles et sociales forcées de la population. En d’autres termes, ce taux mesure la pauvreté.
Pour l’année 2022, l’enquête menée auprès de 17 000 ménages sur leurs conditions de vie et leurs ressources a permis à l’Insee de mesurer les situations de privation :
- Face à la flambée des prix qui plombe le pouvoir d’achat, les Français sont de plus en plus nombreux à faire des sacrifices au quotidien.
- 14% de la population (9 millions de personnes) en France métropolitaine sont en situation de privation sociale et matérielle,
- Cette part a connu une augmentation en 2022 (13,4% en 2020 avant la crise sanitaire) jusqu’à atteindre son plus haut niveau depuis la création de l’indicateur.
Il s’agit donc bien paupérisation, c’est-à-dire d’un appauvrissement d’une partie des ménages.
Un taux reposant sur le renoncement à certains produits et services
Alors que le taux de pauvreté monétaire repose sur les revenus des foyers, le taux de privation se base sur le renoncement à des produits ou services considérés comme souhaitables et nécessaires afin d’avoir un niveau de vie convenable. Pour établir ce taux, l’Insee établit une liste de 13 restrictions :
- Payer les loyers, les intérêts et les factures dans les temps. Le phénomène d’interdit bancaire lié à l’incapacité de payer une créance est de plus en plus fréquent. En 2021, on enregistrait une hausse de 30% des incidents bancaires. L’inflation, sans corrélation avec les revenus entraine pour les ménages les plus modestes une gestion très délicate des finances et hausse du risque de surdendettement.
- Partir une semaine de vacances une fois par an,
- Consommer du poisson, de la viande ou un équivalent tous les deux jours,
- Honorer une dépense imprévue de 1 000 euros,
- Se payer une voiture,
- Chauffer correctement son logement,
- Remplacer des meubles usagés,
- Avoir deux paires de chaussures,
- S’offrir des vêtements neufs,
- Dépenser une certaine somme librement,
- Se retrouver régulièrement en famille ou entre amis autour d’un repas ou d’un verre,
- Faire fréquemment une activité de loisirs payante,
- Accéder à Internet à domicile.
Un ménage cumule un minimum 5 renoncements parmi cette liste, il est en situation de privation matérielle et sociale. Autrement dit, il est pauvre en conditions de vie. Parmi les difficultés déclarées par les foyers français, celle du chauffage de l’habitation est en forte augmentation. En 2022, 10,2% déclarent ne pas avoir les moyens financiers pour chauffer correctement leur logement contre 5% en 2018 et 6,1% en 2021. Les prix de l’énergie en forte hausse en sont les raisons.
Le taux de privation dépend de la composition des ménages
L’enquête annuelle de l’Insee confirme que le risque de renoncement matériel et social est lié à différents éléments dont :
- Le niveau de vie,
- La catégorie socioprofessionnelle,
- Le niveau de diplôme,
- L’âge,
- Le type du ménage.
En 2022, le risque de restriction augmente fortement en zones rurales. Les plus exposés sont les familles monoparentales (31,1%) et les familles nombreuses (21,5%).
Les taux de privation varient fortement d’un pays à l’autre : plus de 30% en Roumanie et en Bulgarie, 11,5% en Allemagne, 9% en Italie et moins de 5% au Luxembourg. Pour la France, la proportion des ménages en situation de privation sociale et matérielle avoisine celle de la moyenne européenne de 12,7%.