Légalisation du crédit Lombard adossé aux cryptomonnaies en France

Publié le - Auteur Par Tony L. -
Légalisation du crédit Lombard adossé aux cryptomonnaies en France

Les cryptomonnaies continuent de se tailler une place dans la finance traditionnelle. À l’échelle européenne, le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets), entré en vigueur en 2024, a instauré un cadre légal pour les actifs numériques. Dans ce contexte, la France a franchi un pas décisif en 2025 : la loi DDADUE 5 du 30 avril 2025 permet désormais d’utiliser les cryptos en garantie pour un prêt bancaire, sans les vendre. Concrètement, un nouvel article du Code monétaire stipule que l’on peut nantir un crypto-actif (Bitcoin, Ethereum, etc.) contre un prêt en euros, via une simple déclaration signée du propriétaire. Ce mécanisme, appelé « crédit Lombard crypto » ou prêt garanti crypto, offre de la liquidité en euros tout en conservant ses cryptos.

Pour bien saisir cette innovation, rappelons d’abord le principe du crédit Lombard classique. Un crédit Lombard est un prêt garanti par un actif financier. Autrefois, on mettait en gage une montre en or chez un prêteur ; aujourd’hui, on peut nantir des titres (actions, obligations, parts d’assurance-vie) auprès de la banque. Ce prêt permet d’obtenir rapidement des liquidités sans céder le capital sous-jacent. Autrement dit, la banque prête de l’argent en échange d’un gage, et l’investisseur garde ses actifs (et leurs avantages) pendant toute la durée du prêt.

Le crédit Lombard crypto reprend ce schéma : on remplace simplement le collatéral traditionnel par des cryptomonnaies. Dans ce cas, l’emprunteur fait officiellement gage de ses cryptos auprès de la banque. Par exemple, la presse note qu’un investisseur peut déposer 50 000€ en bitcoins comme garantie et obtenir un prêt de 20 000€ en euros. Il reste ainsi propriétaire de ses bitcoins et profite de leurs éventuelles plus-values futures, tout en disposant de liquidités immédiates. Comme le résume Finnewz, « c’est le fonctionnement du crédit Lombard adapté aux crypto-actifs ».

  • Fonctionnement typique : on choisit un prestataire habilité (PSAN) pour la garde des cryptos, puis on signe un contrat de nantissement. La banque verse un montant en euros (souvent bien inférieur à la valeur des cryptos mises en gage). Tant que l’emprunteur rembourse ses mensualités, les cryptos ne sont ni vendus ni transférés.
  • Pratique concrète : par exemple, Paul possède 100 000€ de bitcoins. Il peut signer un prêt Lombard crypto en garantissant ces BTC, recevoir par exemple 40 000€ pour un projet immobilier et conserver ses bitcoins. Selon le Journal du Coin, « Paul […] reste propriétaire de ses actifs, mais profite de leur pouvoir de levier ».

La loi DDADUE 5 (avril 2025) : quoi de neuf ?

Jusqu’à présent, ce mécanisme n’était pas clairement autorisé en France. L’adoption de la loi DDADUE 5 (diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE) change la donne. Publiée au JO le 2 mai 2025, cette loi comporte un article précisant que le nantissement spécial peut porter sur des crypto-actifs. Autrement dit, les cryptos entrent officiellement dans le Code monétaire comme possibles garanties de prêt.

La loi rend explicite la procédure : la constitution du gage s’opère par déclaration signée du propriétaire des cryptos. Cette formalité légère évite un formalisme complexe (pas besoin de consigner au greffe, par exemple). Comme le note CoinTribune, « la loi DDADUE 5 […] permet ‘la constitution d’un nantissement par déclaration signée du propriétaire des cryptos’ ». Cette clarification juridique était attendue : jusqu’ici, le statut des cryptos en garantie était flou, et les banques n’osaient pas proposer ce service en clair.

La France se conforme ainsi au mouvement européen, ce changement s’inscrit « dans la logique MiCA, la grande charte européenne du marché crypto ». En effet, MiCA et les directives UE incitent à encadrer les actifs numériques dans le droit commun. Par ailleurs, la Banque de France et l’Autorité des marchés financiers planchent déjà sur un régime national pour harmoniser nantissement et cryptos (inspiré du nantissement-titres introduit par la loi PACTE).

Enjeux réglementaires et fiscaux

L’encadrement reste strict. Les cryptos mises en garantie doivent être déposées chez un prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) agréé, respectant les normes de lutte contre le blanchiment. Ce cadre rassure banques et régulateurs sur la sécurité juridique et financière. Par exemple, BFMTV précise que les établissements français peuvent désormais accepter des cryptos comme garantie, sous réserve que ces cryptos soient détenues par un PSAN enregistré.

Sur le plan fiscal, la grande question est de savoir si ce prêt crée un événement imposable. En théorie, puisque les cryptos ne sont ni vendues ni transférées, le prêt n’est pas considéré comme une cession taxable. En clair, l’emprunteur réalise un « gain en capital » nul tant qu’il rembourse : aucun impôt sur la plus-value n’est déclenché, car l’actif reste la propriété de l’emprunteur. Finnewz souligne ce point : « tant que l’emprunteur rembourse, il ne subit aucune imposition, car il n’y a pas de cession ». Cet avantage fiscal encourage l’opération, qui permet de récupérer de la liquidité sans payer immédiatement de taxes sur les cryptos.

Cependant, prudence est requise. Le régime exact fait encore l’objet de débats chez les fiscalistes. Certains craignent une zone grise : si au moment du prêt les cryptos sont transférées vers un autre portefeuille (sans traçabilité individuelle), l’administration pourrait requalifier l’opération en cession imposable. En résumé, sans dépossession des cryptos, pas d’impôt ; avec dépossession déguisée, risque de taxation. Le risque fiscal n’est donc pas totalement écarté tant que les textes d’application ne sont pas très précis. Plusieurs experts recommandent par conséquent de consulter un spécialiste avant de se lancer.

En clair, la loi offre un cadre légal qui « met fin à une zone grise fiscale » en France, mais il faudra surveiller la doctrine administrative. On attend aussi des points de détails à la réglementation pour bien distinguer un prêt garanti crypto d’une vente déguisée.

Freins côté banques et infrastructures

Malgré ce cadre, l’adoption pratique reste limitée. Les banques classiques se montrent très prudentes face à la volatilité des cryptos. Comme le note CoinTribune : « les banques françaises restent sceptiques : le risque est trop volatil, les ratios de solvabilité trop fragiles». En raison de ces risques, les banques exigent d’importantes marges de sécurité (forts « haircuts » sur la valeur du collatéral), ce qui rend le crédit moins avantageux pour l’emprunteur.

En outre, la plupart des établissements n’ont pas encore les infrastructures pour gérer ce type de prêt. Il faut disposer de solutions de garde conformes pour les cryptos et adapter les systèmes internes. Tant que l’infrastructure bancaire (c’est-à-dire les offres produits et la chaîne opérationnelle) n’évolue pas, le dispositif reste largement théorique. Comme l’exprime l’Autorité monétaire européenne (AMF et Banque de France), seul un pont clair entre banque et cryptomonnaie permettra une adoption réelle.

Les frilosités des institutions ralentissent donc la démocratisation, car peu d’institutions accepteraient actuellement ce type de nantissement. Le marché crypto reste jugé trop instable ». Par exemple, seules quelques banques « crypto-friendly » (comme Delubac, etc.) commencent à étudier ces solutions. Tant que les grandes banques hésitent, l’usage reste quasi inexistant.

Cas pratique : financements immobiliers sans vente

L’intérêt du crédit Lombard crypto est souvent illustré par la thématique immobilière. Imaginons un investisseur en bitcoins qui souhaite acheter un appartement sans céder ses cryptos (et sans payer la flat tax de 30% sur les plus-values). Avec ce nouveau prêt, il peut procéder ainsi : il dépose une certaine somme de bitcoins (par exemple l’équivalent de 100 000€) en garantie chez sa banque, et obtient un prêt immobilier de 40 000€. Le capital de bitcoins reste bloqué tant que le prêt court, et l’investisseur garde son exposition à la hausse du bitcoin. Selon les observateurs, cela séduit ceux qui veulent « hodler tout en achetant une maison ».

Un scénario concret rapporté : Paul est un investisseur crypto de long terme. Il place l’équivalent de 100 000€ de bitcoins en garantie et reçoit 40 000€ en euros pour un projet immobilier. Il n’a pas vendu ses cryptos, il n’a donc pas de plus-value imposable. S’il rembourse normalement, à la fin il récupère ses bitcoins. En cas de défaut, la banque vendrait ses bitcoins pour récupérer la somme prêtée. Ce cas pratique montre l’avantage clé du prêt crypto : disposer de liquidités pour financer un bien (ou autre projet) sans toucher au capital crypto.

En attendant d’autres développements, l’espoir est permis : le crédit Lombard crypto pourrait démocratiser l’accès au crédit pour les cryptohodlers, en rapprochant banques et cryptomonnaies dans la pratique. L’Hexagone fait ce qu’il faut pour avancer, pas à pas, vers une finance hybride plus souple et innovante. C’est peut-être le début d’une large diffusion de ce type de prêt en France, et d’une nouvelle ère où l’immobilier et la blockchain cohabitent sereinement.

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Sources : textes de loi DDADUE 5 (L. n°2025-391 du 30 avr. 2025), bfmtv.com


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Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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