Le marché locatif français est soumis à une tension inédite. La demande de logements à louer augmente alors que l’offre diminue, ce qui crée un déséquilibre « sans précédent ». Dans les grandes villes, les loyers continuent de grimper, notamment en raison de la pénurie de logements neufs et du renforcement des normes énergétiques. Parallèlement, le départ programmé du dispositif Pinel a provoqué un effondrement de l’investissement locatif privé : la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) rapporte une chute de 41,1% des ventes de logements neufs aux investisseurs particuliers au 1er trimestre 2025. Cette situation exacerbe la crise du logement et pousse le responsable, le gouvernement, à chercher de nouveaux leviers pour encourager l’investissement résidentiel.
Vers un statut fiscal dédié du bailleur privé
Face à cette impasse, le gouvernement envisage de créer un vrai statut fiscal du bailleur privé. Ce projet, « réclamé depuis plus de 10 ans » par la profession, a fait récemment l’objet d’un point d’étape officiel organisé par la ministre du Logement Valérie Létard. L’objectif est de proposer un cadre stable et attractif pour les particuliers et les SCI qui louent en longue durée, en remplaçant progressivement les nombreux régimes fiscaux actuels (Pinel, Denormandie, Cosse, etc.) par un dispositif unique et lisible. Un tel statut viserait à reconnaître le propriétaire bailleur comme un acteur économique à part entière, comparable aux loueurs en meublé ou aux investisseurs allemands, plutôt qu’à une simple niche fiscale.
Les premières annonces liées au budget 2025 dessinent déjà quelques avantages concrets. D’une part, la loi de finances pour 2025 a relevé l’abattement forfaitaire du régime micro-foncier (location nue) de 30% à 50%. Autrement dit, les propriétaires d’un petit logement meublé non professionnel bénéficieront d’un allègement d’impôts accru sur les loyers bruts qu’ils perçoivent. (Cet abattement ne concerne cependant que les loyers annuels ne dépassant pas 15 000 €.) D’autre part, les professionnels espèrent l’introduction d’un mécanisme d’amortissement fiscal du bien loué. Dans ce schéma inspiré du modèle allemand, chaque année une fraction de la valeur du logement (et éventuellement des travaux) serait déduite du revenu imposable, réduisant ainsi l’impôt dû. Cela permettrait de reconstituer la base fiscale des bailleurs sur la durée du bail, comme le souhaite la présidente de l’UNIS : « il s’agit d’instaurer un amortissement des actifs locatifs nus et une déductibilité des charges d’exploitation au réel » afin d’assurer un « rendement honorable ».
Contours du nouvel avantage fiscal
Plusieurs points clés ont émergé quant aux conditions de ce dispositif. Parmi les avantages fiscaux envisagés figurent notamment :
- Abattement micro-foncier porté à 50% : les loyers issus d’une location nue longue (sous plafond) seront imposables à hauteur de 50% seulement, au lieu de 70% auparavant (ce qui permet d’alléger directement l’impôt sur le revenu). Ce geste budgétaire profite aux petits bailleurs (loyer annuel < 15 000 €) qui relouent leur bien dans des conditions encadrées.
- Amortissement fiscal du logement : comme en location meublée, le propriétaire pourra déduire chaque année une quote-part du coût d’acquisition (et des travaux) pour réduire son revenu imposable. Cette mesure devrait s’appliquer sur toute la durée du bail (par exemple sur 20 ou 30 ans) et minimise l’impôt à long terme. Elle ressemble aux propositions portées par les associations de bailleurs privés (amortir 2% par an pendant 30 ans, soit 60% du prix).
- Conditions de loyer et de logement : en contrepartie des privilèges fiscaux, le statut imposerait un loyer plafonné (généralement inférieur au niveau du marché) afin de garantir l’abordabilité pour les locataires. De plus, le logement doit être décent sur le plan énergétique, avec un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) de niveau A ou B au minimum. Ces critères visent à s’assurer que les logements loués sous ce régime contribuent aux objectifs sociaux et environnementaux (logements moins énergivores).
- Modalités déclaratives spécifiques : les revenus locatifs seront déclarés sous le régime des revenus fonciers, via le formulaire 2044-EB dédié. Ce formulaire permettra de détailler charges, intérêts d’emprunt et amortissements afin de calculer précisément l’avantage fiscal. Ainsi, la transparence fiscale sera renforcée tout en simplifiant, espère-t-on, la gestion des calculs d’impôt pour les propriétaires modestes.
Ces éléments esquissent le nouveau « bénéfice fiscal du bailleur privé » : une réduction d’impôt substantielle liée à l’amortissement du capital, couplée à des contraintes (loyer maîtrisé, normes énergétiques) garantissant l’utilité sociale de l’investissement locatif.
Réserves et critiques
Malgré ces avancées, certains observateurs restent prudents. D’abord, l’abattement de 50% ne concerne qu’une portion limitée des bailleurs : seuls ceux qui louent peu cher (micro-foncier) en profiteront, laissant sur le carreau ceux dont les loyers dépassent ce seuil. De même, l’introduction de l’amortissement fiscal – bien que réclamée – soulève des questions pratiques : par exemple, l’amortissement réduit mécaniquement la base du calcul de la plus-value en cas de revente, ce qui pourrait lourdement alourdir l’impôt sur la plus-value immobilière. Par ailleurs, le plafonnement des loyers, indispensable pour l’accessibilité, réduit d’autant la rentabilité pour le bailleur. En résumé, ces mesures fiscales sont utiles, mais elles restent conditionnées à des contraintes qui limitent leur attractivité pour certains investisseurs.
Enfin, les promoteurs immobiliers rappellent que le problème du logement ne se résoudra pas uniquement par des avantages fiscaux. La FPI insiste sur la nécessité d’agir sur les aspects structurels du marché : il faut simplifier les normes et accélérer la délivrance des permis de construire pour augmenter durablement l’offre locative. Sans ces réformes parallèles, le « bonus » fiscal risque d’être insuffisant pour relancer significativement la construction de logements et répondre à la demande. Comme le soulignait Pascal Boulanger (FPI), la priorité reste de débloquer la filière dans son ensemble, au-delà des incitations fiscales.
En somme, le projet de statut fiscal du bailleur privé se précise progressivement. Les contours fiscaux se dessinent autour de deux leviers principaux : l’abattement micro-foncier élevé à 50% et la possibilité d’amortir le bien loué pour diminuer l’impôt. Ces mesures, annoncées ou à l’étude, vont dans le sens d’un soutien à l’investissement locatif privé, tout en imposant des engagements (loyers modérés, performance énergétique) pour servir l’intérêt général. Néanmoins, elles soulèvent des questions pour le moment toujours en suspens, leur impact réel dépendra des seuils retenus et du contexte global (marché, crédit, urbanisme). Au final, ce nouvel avantage fiscal pourrait rendre l’investissement locatif plus attractif pour les particuliers, mais son attractivité reposera aussi sur la convergence avec d’autres réformes structurelles du logement. Seul l’adoption définitive du statut, prévue après les travaux parlementaires en cours, confirmera si ces intentions se traduiront en véritables mesures durables pour relancer le privé dans la construction locative.
Sources : fpifrance.fr, monimmeuble.com, legifiscal.fr, bevouac.com, fpifrance.fr, ondesdelimmo.com
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