Surveillance généralisée : vers un crédit social à la française ?

Publié le - Auteur Par Tony L. -
Surveillance généralisée : vers un crédit social à la française ?

Les autorités françaises multiplient les signaux d’une capitulation des libertés publiques sous prétexte de sécurité. Ce premier semestre 2025 voit ainsi se mettre en place, presque à notre insu, des dispositifs de surveillance jusque-là insoupçonnés. Gérald Darmanin le répète : « Si vous voulez une société secure, il faut la reconnaissance faciale ». Sous couvert de lutte contre « l’insécurité », le gouvernement relance donc la vidéo-surveillance algorithmique (VSA) de l’espace public et évoque sans complexe la reconnaissance faciale – jusque-là présentée comme une ligne rouge. En réalité, l’État de droit vacille au nom de l’urgence : des technologies « immatures et sans aucune utilité opérationnelle », selon le rapport d’évaluation officiel, sont quand même déployées et pérennisées. Le projet d’« identité numérique », de « passeport vaccinal » et d’« euro numérique » s’insère désormais dans cette mécanique de contrôle.

Visages fichés : de la vidéosurveillance à la reconnaissance faciale

À Paris comme en région, on installe des caméras intelligentes pouvant en théorie détecter des comportements dits « suspects ». Officiellement, la loi JO 2023 interdit encore la reconnaissance faciale et tout croisement avec les fichiers personnels. Mais dans la pratique, les ministres en parlent déjà ouvertement. Le ministre de la Justice Darmanin réclame plus de biométrie («  la France n’a plus de safe space »), et le ministre des Transports Philippe Tabarot s’est publiquement dit prêt à expérimenter la reconnaissance faciale dans les transports en commun marseillais. Ce revirement est révélateur : « la paranoïa sur la technologie, les libertés publiques… » doit céder le pas à l’« efficacité » sécuritaire selon Darmanin. En clair, le gouvernement fait à présent de la reconnaissance biométrique un objectif politique, fût-ce au prix d’un « état d’urgence pérennisé ».

Les Jeux Olympiques 2024 banc d’essai pour la surveillance de masse

La loi du 19 mai 2023 autorisait l’usage expérimental de caméras « augmentées » pendant les JO. Ce dispositif, inédit en Europe, permet à des algorithmes d’analyser en temps réel les flux vidéos pour déclencher des alertes. Huit situations à risque y ont été définies (objets abandonnés, armes, sens de circulation non respecté, personnes dans des zones interdites, personnes au sol, mouvements ou densité de foule, départ de feu). En théorie, l’algorithme ne signale que ces cas précis – mais déjà on voit que la norme peut changer.

Le bilan officiel de l’expérimentation est pourtant calamiteux. En décembre 2024, un comité indépendant a rendu un rapport d’évaluation concluant à l’« immaturité et l’absence d’utilité opérationnelle » du système. Plutôt que d’en tenir compte, le gouvernement a tenté de proroger sous le manteau cette vidéosurveillance algorithmique jusqu’en 2027. Un amendement opportuniste, glissé en catimini dans une loi sur les transports, visait à prolonger l’expérimentation. Heureusement, le Conseil constitutionnel a finalement retoqué cette manœuvre illégale le 24 avril 2025, qualifiant ce renforcement de « cavalier législatif ».

Majorité et technocratie : qui veut de la surveillance ?

Dans cette affaire, la majorité parlementaire de LREM n’est pas en reste. En mars 2021 déjà, les députés LREM Christine Hennion et Jean-Michel Mis plaidaient pour « accélérer le déploiement d’une identité numérique sécurisée » pour tous les Français. Ce projet d’« identité numérique régalienne » faisait partie du plan Cybersécurité de 1 milliard € annoncé par l’exécutif. Ironie de l’histoire : alors qu’on promet la souveraineté numérique, c’est surtout la mise sous surveillance qui avance à grande vitesse. Les mêmes élus réclament aussi un passeport vaccinal électronique, abandonné par le gouvernement mais considéré comme un test grandeur nature du contrôle sanitaire.

Le spectre du crédit social chinois se matérialise dans l’Hexagone

Pour comprendre où tout cela peut mener, il suffit de regarder vers l’Est. « Nous critiquons à juste titre la Chine pour la surveillance de ses citoyens, son système de crédit social, une forme de goulag électronique », rappelait Blaise Lempen (secrétaire général du Press Emblem Campaign) en janvier 2022. Et il avertissait : « Mais en Occident, nous dérivons lentement vers le modèle chinois ». À Pékin, les comportements des 1,4 milliard de citoyens sont notés en permanence par des algorithmes. Un « mauvais citoyen » peut voir ses droits fondamentaux suspendus : billets de train interdits, accès bancaire bloqué, enfants exclus de certaines écoles. Aujourd’hui, la France n’en est pas là… mais les mécanismes sont en place pour glisser vers ce mode de gouvernance. Chaque vote techno-légal (lois JO, « identité numérique », passe sanitaire, etc.) normalise un peu plus l’idée qu’un simple algorithme pourrait décider qui est « solvable socialement » et qui ne l’est pas.

COVID et pass sanitaire : l’entraînement à la soumission

Déjà en 2021 la CNIL mettait en garde contre l’extension du pass sanitaire. Elle rappelait que conditionner l’accès à la vie courante à un certificat médical était un « choix éthique » qui ne devait pas être banalisé. Et elle alertait sur les risques : contrôle d’identité généralisé, « contrôles disproportionnés » et fichage numérique renforcé. À l’époque, les QR-codes « TousAntiCovid » ont créé une réalité inédite : pour sortir de chez soi il fallait montrer patte blanche. Cette parenthèse sanitaire a établi les premières briques d’un système où la liberté de circuler dépend d’un score numérique. Or rien ne dit qu’on reviendra en arrière. Le gouvernement a bel et bien prolongé le pass sanitaire jusqu’en septembre 2021 (puis l’a finalement supprimé), sans jugement clair de son efficacité.

Identité et euro numériques : monnaie de la servitude

Le glissement continue avec les nouveaux projets numérique-financiers. L’identité numérique régalienne promise par certains députés LREM est conçue pour centraliser toutes nos données (certificats, permis, etc.) dans un « wallet » sécurisé – aux mains de l’État ou de ses prestataires. De même, l’euro numérique arrive. La BCE prévoit une phase pilote jusqu’en octobre 2025 pour déployer un équivalent électronique du cash. Officiellement, ce « billet numérique » garantirait la confidentialité comme aujourd’hui. En réalité, les autorités reconnaissent qu’un anonymat total est impossible avec une monnaie centrale en ligne. La CNIL note par exemple que, là où les espèces autorisent aujourd’hui des paiements invisibles, l’euro numérique devra probablement tracer la majorité des transactions (sous prétexte de lutter contre le blanchiment ou le terrorisme). En clair, le portefeuille numérique permettra de bloquer ou de réduire unilatéralement les paiements de certains citoyens ou secteurs. Chaque dépense laissera une trace dans un fichier. Comme dans le système chinois, un mauvais comportement (poliment défini) pourrait entraîner un « gel » financier instantané.

La cage dorée

L’Union européenne martèle que cette monnaie digitale est « complémentaire » au cash, mais rien n’empêche d’imposer par la suite des versements électroniques obligatoires. La France participe activement à ces travaux (décision annoncée en octobre 2023) et prévoit de lancer l’euro numérique d’ici fin 2025. Les plateformes numériques se réjouissent : Google, Apple et consorts déploieront leurs wallets (portefeuilles numériques) sur smartphone, consolidant leur emprise sur nos vies. Déjà, dans certains pays, on a vu des applications obliger les citoyens à avoir un compte bancaire « dématérialisé » pour toucher aides ou salaires. À terme, la convergence identité/épargne numérique aboutira à un vrai crédit social : payer fera office de vote de confiance citoyenne.

Complicités des géants du numérique

Ce processus d’emprisonnement numérique n’est pas qu’une création étatique. Les grandes entreprises technologiques ont tout intérêt à y participer. Elles fournissent les caméras, les centres de calcul et les algorithmes d’intelligence artificielle qui rendent possible cette surveillance : de Microsoft (fortement investi dans les start-up françaises d’IA) à Thales ou Nexter, sans oublier les géants du cloud comme AWS. Chaque nouvel outil de sécurité high-tech est surtout un nouveau marché pour ces firmes, qui exercent un lobbying constant. Au final, GAFAM et CNIL vont dans le même sens : « innovation sécuritaire » et « protection des données » ne font plus bon ménage lorsque la puissance publique décide que la sécurité passe avant tout.

Français, ouvrons les yeux !

Les Français doivent mesurer l’enjeu, ce qui démarre comme une simple expérimentation, si on le laisse faire, peut rapidement devenir un nouvel ordre social. Un système de crédit social à la française signifierait que votre liberté de voyager, de consommer ou même de voter dépendra bientôt d’une note algorithmique. Chaque citoyen serait pisté partout par son smartphone, son identité numérique et son euro virtuel. Le gouvernement, la Commission européenne et leurs alliés technophiles doivent être tenus pour responsables de cette dérive. Il est temps de réclamer publiquement l’abandon de ces technologies intrusives et de défendre nos droits fondamentaux. Avant que l’ombre d’un crédit social n’assombrisse notre quotidien.

Sources : déclarations officielles et analyses récentes (DGSCGC, CNIL, Conseil constitutionnel, rapports parlementaires, articles de presse) usine-digitale.fr ; laquadrature.net ; usine-digitale.fr ; bfmtv.com ; cnil.fr ; pressemblem.ch.

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Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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