En 2025, plus de 48 millions de Français détiennent un permis de conduire en cours de validité, selon les données du ministère de l’Intérieur. Un chiffre qui reflète à quel point la conduite reste une compétence centrale dans la vie quotidienne et professionnelle. Mais cette pratique va-t-elle désormais devoir passer par un contrôle médical régulier ?
Une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale en mars 2025 pourrait mettre fin au caractère « à vie » du permis de conduire. Objectif affiché : renforcer la sécurité routière en imposant un examen médical périodique pour valider ou renouveler son droit à conduire. Ce projet s’inscrit dans une dynamique européenne, où plusieurs pays ont déjà adopté ce modèle.
Une proposition de loi qui modifierait le code de la route
Le texte n°1147 déposé à l’Assemblée nationale prévoit deux grands changements pour les titulaires du permis de conduire :
- Un examen médical obligatoire tous les 15 ans, quelle que soit la tranche d’âge.
- Des contrôles renforcés tous les 5 ans à partir de 70 ans, pour évaluer les capacités physiques et cognitives liées à la conduite.
Le certificat médical serait délivré par un médecin généraliste ou un spécialiste agréé. Ce professionnel jugerait de l’aptitude à la conduite selon différents critères (vue, réflexes, audition, équilibre, etc.). Si l’avis est défavorable, la préfecture pourrait suspendre le permis, avec possibilité de recours devant une commission médicale départementale.
Un mouvement européen en marche
Ce projet de loi français ne sort pas de nulle part. Il fait écho à une réforme en cours au niveau de l’Union européenne, où une refonte de la directive sur le permis de conduire a été validée fin mars 2025. Cette réforme prévoit que :
- Chaque État membre pourra conditionner la délivrance d’un permis à un examen médical (notamment ophtalmologique et cardiovasculaire).
- La durée de validité maximale d’un permis pourrait être limitée à 15 ans.
- Les pays pourront choisir entre un examen par un médecin, un formulaire d’auto-évaluation, ou des tests de dépistage ciblés.
Déjà, 14 pays européens ont mis en place des contrôles médicaux obligatoires, dont l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la République tchèque ou encore la Finlande.
🗒️ Exemple : système portugais
Au Portugal :
- Le contrôle médical est obligatoire tous les 10 ans à partir de 40 ans.
- Puis tous les 2 ans après 70 ans. Ce dispositif a permis, selon les données de la Direção-Geral da Saúde (organisme central du ministère de la Santé du Portugal,) de réduire de 18% les accidents impliquant des conducteurs seniors entre 2018 et 2024.
Des avantages pour la sécurité routière
Les promoteurs du texte en France mettent en avant plusieurs bénéfices :
- Mieux détecter les risques liés à l’âge ou à certaines pathologies : AVC, pertes de conscience, troubles de la vue ou de la coordination.
- Réduire les accidents liés à une inaptitude physique ou mentale, notamment chez les conducteurs âgés.
- Aligner la France avec les pratiques de ses voisins européens, et répondre aux recommandations du Parlement européen en matière de sécurité routière.
Un dispositif qui suscite des critiques
Cependant, la proposition divise :
- Perte du caractère permanent du permis : les Français ont historiquement l’habitude d’un permis sans date limite (hors suspension ou annulation). Cette réforme marquerait une rupture majeure.
- Charge administrative et financière : quid du coût de la visite médicale ? Qui la paierait ? Rien n’est précisé pour l’instant, ce qui soulève des inquiétudes chez les conducteurs, notamment les plus modestes.
- Évaluation subjective : le rôle du médecin pose question. En l’absence de protocole strict, les avis pourraient varier fortement d’un praticien à l’autre.
Autres points de friction :
- L’absence de consensus chez les professionnels de santé, peu enclins à jouer le rôle de « censeur » de la conduite.
- Le risque de contentieux juridiques en cas de retrait contesté du permis.
- La crainte d’effets pervers, comme le renoncement à la conduite sans déclaration, ou le recours massif à l’auto-déclaration en cas de version allégée de la loi.
Que pourrait changer cette loi pour les conducteurs ?
En cas d’adoption, les automobilistes devront :
- Suivre un parcours médical régulier, calqué sur des échéances définies par l’âge.
- Conserver une copie du certificat d’aptitude en cours de validité.
- Anticiper les délais pour ne pas se retrouver avec un permis expiré pour absence de contrôle.
Pour les personnes âgées, cette loi pourrait signifier la perte du droit de conduire, même sans infraction ni accident, si leur état de santé est jugé incompatible.
Quelles suites législatives ?
La proposition doit être examinée à l’Assemblée nationale début mai 2025, pendant une semaine transpartisane. Elle a reçu le soutien de plusieurs groupes parlementaires (Ensemble pour la République, EELV, PS, Horizons). Le ministère de la Santé et le ministère de l’Intérieur ne se sont pas encore officiellement exprimés.
D’ici là, la réforme européenne pourrait également servir de levier pour harmoniser les pratiques entre les États membres. La Commission européenne prévoit une mise en œuvre globale d’ici à 2030, ce qui laisse une marge d’adaptation.
➡️ La réforme du permis de conduire s’inscrit dans une volonté de renforcer la sécurité routière, mais elle pourrait aussi rebattre les cartes pour des millions d’automobilistes. Derrière une logique de précaution sanitaire, se pose la question du coût, de la faisabilité logistique et de la légitimité d’un tel contrôle. La fin du permis « à vie » pourrait devenir une réalité d’ici quelques années.
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