Lors d’un live YouTube, sur la chaîne Stef Compare, organisé par Stéphanie Thomas, directrice du site ComparateurBanque.com, et Frédéric Douet, professeur de droit fiscal à l’Université de Rouen-Normandie, les enjeux cruciaux de la fiscalité française ont été examinés en profondeur. Dans un contexte de dette publique record, d’augmentation des prélèvements obligatoires et de propositions de nouvelles taxes, l’échange a permis d’apporter des éclairages précieux sur un sujet majeur qui concerne chaque citoyen.
Une dette colossale et des prélèvements records
La France fait face à une dette publique qui dépasse désormais les 3228 milliards d’euros, soit une augmentation de 1000 milliards en seulement six ans, selon les données de l’Insee. Pour Frédéric Douet, cette situation est préoccupante, car les intérêts de cette dette devraient atteindre 80 milliards d’euros par an en 2027, une somme équivalente aux recettes annuelles de l’impôt sur le revenu. Il précise : « Ces chiffres vertigineux mettent une pression énorme sur les contribuables et l’économie. »
En parallèle, la France affiche un taux de prélèvements obligatoires de 48% du PIB, un record au sein de l’OCDE, où la moyenne est de 34%. Malgré ces montants impressionnants, les Français constatent une dégradation des services publics. « On paie des impôts, mais rien ne fonctionne vraiment : l’hôpital est en crise, la justice manque de moyens, et la sécurité intérieure est fragilisée », souligne-t-il.
Une fiscalité complexe et omniprésente
L’expert a expliqué comment la fiscalité française se décompose en plusieurs grandes recettes : la TVA, qui rapporte 200 milliards d’euros, les impôts locaux, générant 175 milliards, et la CSG, avec 150 milliards. Pourtant, l’impression générale est que ces impôts ne sont pas utilisés efficacement pour répondre aux besoins essentiels. Sur 1000 euros de dépenses publiques, seulement 162 euros sont consacrés aux missions régaliennes de l’État (justice, sécurité, défense).
Frédéric Douet n’a pas manqué de critiquer la multiplication de nouvelles idées fiscales toujours plus ingénieuses pour taxer le citoyen français, qu’il qualifie de « concours Lépine de la fiscalité ». Il cite par exemple la réintroduction possible de loyers fictifs, qui consisteraient à taxer les propriétaires sur la valeur locative de leur résidence principale. Cette mesure, abandonnée en 1968, pourrait techniquement être mise en place aujourd’hui, grâce à la numérisation des données immobilières.
Lutte contre les fraudes et rationalisation des dépenses publiques
Au-delà des nouvelles taxes envisagées, Frédéric Douet a insisté sur la nécessité de mieux lutter contre les fraudes fiscales et sociales, qui coûtent des milliards d’euros à l’État. Il a évoqué les anomalies autour du nombre de bénéficiaires de la sécurité sociale, supérieur à la population française, et les fraudes à la TVA, souvent orchestrées par des réseaux mafieux.
Par ailleurs, l’expert appelle à une rationalisation des dépenses publiques, dénonçant les doublons administratifs et les agences d’État inutiles. Selon lui, ces structures coûtent près de 80 milliards d’euros par an et pourraient être réduites sans affecter la qualité des services publics.
L’optimisation fiscale : un enjeu pour les particuliers et les entreprises
Face à une fiscalité trop pesante, Frédéric Douet a également évoqué les possibilités d’optimisation fiscale, en restant dans un cadre légal. Pour les particuliers, il recommande d’exploiter les dispositifs existants, comme la déduction des frais réels pour les salariés. Il souligne cependant la nécessité de rigueur dans la gestion des justificatifs, car ces dispositifs sont souvent contrôlés par l’administration fiscale.
Pour les entreprises, il a mis en avant l’intérêt des pactes Dutreil pour faciliter les transmissions d’entreprises. Ces mécanismes permettent un abattement fiscal de 75% sur les droits de succession, évitant ainsi que les héritiers soient contraints de vendre des actifs pour régler les taxes.
La nécessité d’une refonte complète de la fiscalité
Interrogé sur les réformes nécessaires, Frédéric Douet a plaidé pour une remise à plat complète du système fiscal. Il estime que les impôts actuels, comme l’impôt sur le revenu ou les droits de succession, sont datés et inadaptés à l’économie moderne. Il propose d’envisager des alternatives, telles qu’une micro-taxe sur les transactions financières, qui pourrait remplacer des taxes lourdes comme les impôts de production.
Selon lui, cette refonte nécessiterait un travail sur le long terme, dépassant la durée d’un quinquennat. « Il faudrait revenir au septennat pour permettre aux gouvernements de mener des réformes ambitieuses sans être paralysés par l’échéance électorale », suggère-t-il.
Une fiscalité incitative plutôt que punitive
Enfin, Frédéric Douet a insisté sur l’importance de rendre la fiscalité plus incitative, notamment pour les entrepreneurs. Aujourd’hui, de nombreux chefs d’entreprise choisissent de fermer leur structure pour redevenir salariés, découragés par les charges sociales et fiscales. « Une fiscalité trop lourde asphyxie l’économie et incite à l’inaction », déplore-t-il.
Pour conclure, l’expert a exprimé un optimisme mesuré, tout en appelant à un pragmatisme fiscal : « Il est urgent de libérer les énergies économiques et d’optimiser l’utilisation des impôts. La situation actuelle n’est pas une fatalité, mais cela nécessite du temps, du courage et une vision globale. »
Ce live a permis de souligner les failles et les blocages du système fiscal français, tout en offrant des pistes pour construire une fiscalité plus juste et efficace. Une chose est certaine : le débat est loin d’être clos, mais il est indispensable pour l’avenir économique du pays.
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