
Le gouvernement français paraît vouloir accélérer la participation des particuliers au financement de projets nationaux, notamment face aux dépenses liées aux crises actuelles. Les récentes annonces officielles inquiètent bon nombre d’investisseurs et d’experts, conscients que le patrimoine financier des Français pourrait être sollicité de manière plus pressante qu’auparavant. Dans les médias, le ministre de l’Économie, Eric Lombard, déclare: «Nous allons réunir à Bercy, le 20 mars, l’ensemble des investisseurs privés, les assureurs, les banques, les fonds d’investissement afin de les mobiliser». Son insistance se reflète dans ses propos: «Nous allons effectivement mobiliser l’épargne privée!». Pour les responsables politiques cités dans la presse, il paraît urgent que l’épargne des particuliers soutienne désormais la dépense publique, ce qui alerte quant à la préservation de son droit de propriété.
En toile de fond, la situation budgétaire française demeure fragile : forte dette publique, ralentissement de la croissance et pressions liées à l’engagement militaire envers l’Ukraine. Selon le ministre Lombard, il s’agit d’une réponse à l’urgence financière générée par le contexte international. Ce choix intervient alors que l’État, déjà endetté, cherche de nouvelles ressources pour financer ses priorités. Comme le mentionne Charles Gaves, de l’Institut des Libertés, la France présente en effet une très forte propension à l’épargne, trois fois plus élevée que celle de l’Italie par exemple. En ciblant directement cet argent, les autorités accentuent la crainte d’une ponction forcée sur les avoirs des ménages.
Marc Touati, économiste souvent invité dans les médias, alerte sur le fait que «L’économie de guerre, c’est un type d’économie où les besoins de la guerre sont satisfaits prioritairement par prélèvement autoritaire. On joue à un jeu dangereux : la France n’a pas les moyens !». Il rappelle également qu’à la fin du processus, c’est «toujours les Français qui payent», notamment si l’on envisage le recours à l’assurance-vie pour financer certains projets. La hausse des taux d’intérêt, selon lui, ne fait qu’alourdir la facture, car le service de la dette augmente mécaniquement et retombe en définitive sur les contribuables.
Pour le moment on parle surtout de l’assurance-vie comme cible potentielle pour financer le “réarmement” ou couvrir les dépenses publiques liées aux crises actuelles (énergie, soutien à l’Ukraine, etc.). Toutefois, lorsque le gouvernement français ou l’Union européenne évoquent la « mobilisation de l’épargne privée », cela recouvre généralement l’ensemble des produits d’épargne réglementés et non réglementés (assurance-vie, PEL, comptes-titres, livrets défiscalisés comme le Livret A, etc.). Par conséquent, dès qu’il est question de “mobiliser l’épargne privée”, aucun produit n’est forcément exclu. Le Livret A étant un pilier de l’épargne populaire, il pourrait être davantage fléché vers des usages précis sur lesquels le gouvernement est peut-être encore en train de réfléchir.
Donc même si, à ce stade, les déclarations officielles portent davantage sur l’assurance-vie (en raison des montants élevés placés et du fait que c’est un produit jugé mobilisable via des incitations fiscales ou des réformes), certains analystes estiment que tous les produits d’épargne pourraient être concernés, y compris le Livret A. En règle générale, le Livret A sert au financement du logement social via la Caisse des dépôts et consignations. Il est donc déjà « fléché » vers un usage public, quoique moins flexible que d’autres enveloppes pour le gouvernement.
En parallèle, Tom Benoit, essayiste et entrepreneur, souligne le risque d’une fuite des gros déposants vers l’étranger. Il affirme : «Vous croyez vraiment que nombre de possédants vont laisser des montagnes d’euros dans un pays qui crie sans arrêt à la mobilisation de l’épargne privée…?». Son raisonnement est simple : plus la menace de prélèvement se précise, plus ceux qui disposent de capitaux importants chercheront à les protéger en les transférant vers des juridictions plus stables ou moins intrusives. L’histoire récente a d’ailleurs montré que face à une tension financière, les capitaux les plus mobiles s’évaporent vite.
Cette tentative de mobilisation de l’épargne privée est englobée dans un cadre européen plus vaste : l’Union des marchés de capitaux, parfois désignée comme «Union de l’épargne», qui a pour but d’harmoniser les règles de placement et de financement au sein de l’Union européenne. Pourtant, Tom Benoit explique que ce projet n’a pas grand-chose à voir avec le fonctionnement habituel des marchés financiers. Selon lui, les rapports officiels (Noyer, Draghi…) suggèrent la création d’un produit d’épargne européen dans lequel les liquidités pourraient être bloquées plusieurs années, tandis que l’argent qui ne s’y trouve pas serait soumis à une nouvelle taxation. Un tel schéma décrit clairement une expropriation déguisée de l’épargne.
La question principale, du point de vue du citoyen, est de savoir comment se protéger. Charles Gaves propose quelques pistes : éviter de souscrire à un éventuel emprunt «patriotique» ou de conserver des obligations d’État susceptibles de perdre leur valeur. Son raisonnement est que la préservation du droit de propriété implique de diversifier ses placements et de se tenir à distance des obligations gouvernementales, dont la rentabilité pourrait être compromise par une politique fiscale plus lourde. L’objectif serait de ne pas fournir au Trésor public un accès direct à des ressources qui deviendraient faciles à prélever en situation d’urgence.
D’autres spécialistes suggèrent des solutions plus pragmatiques, comme le recours à des comptes à l’étranger ou à des actifs tangibles (or, immobilier hors de France, cryptomonnaies dans certains cas). Toutefois, ces options peuvent être soumises à des règles complexes, voire à des interdictions futures, si la volonté de contrôle de l’épargne se renforce. Les récents échanges autour des banques suisses ou américaines soulignent qu’aucun pays n’est réellement à l’abri d’une crise bancaire. Pour les Français, l’enjeu est donc d’évaluer le niveau de confiance accordé aux établissements tricolores et à la solidité globale de leur système financier.
Les expériences passées, qu’il s’agisse de la Grèce ou de Chypre, ont montré que l’imposition de retraits limités ou le blocage de comptes peut survenir rapidement. En France, on se pose désormais la question de savoir si la stratégie gouvernementale consistera à opter pour une taxation renforcée, un emprunt forcé ou une combinaison de mesures. Les déclarations à Bercy laissent penser que plusieurs scénarios sont sur la table.
En définitive, la mobilisation de l’épargne française interroge sur la frontière entre intérêt collectif et droits individuels. Certains y voient le signe d’une pression fiscale aggravée, et un risque grandissant d’être dépossédé du droit de disposer librement de son épargne.
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