En mai 2025, la France a actualisé sa liste des métiers en tension, permettant aux employeurs de régulariser plus facilement les travailleurs étrangers sans papiers dans des secteurs confrontés à des pénuries de main-d’œuvre. Cette mesure, bien que saluée par certains, soulève des questions sur son efficacité à long terme et ses implications pour le marché du travail français.
Une mesure pour répondre à des besoins immédiats
La loi « Immigration » du 26 janvier 2024 a introduit un nouveau motif d’admission exceptionnelle au séjour (AES) pour les personnes en situation irrégulière exerçant un métier en tension. L’arrêté du 21 mai 2025, publié au Journal Officiel, précise la liste des métiers concernés, permettant ainsi aux salariés étrangers de demander une régularisation sans l’accord préalable de leur employeur.
Parmi les métiers ajoutés à cette liste figurent les cuisiniers, les employés de l’hôtellerie, les aides à domicile, les carrossiers automobiles, les couvreurs et les soudeurs. Ces professions sont souvent confrontées à des difficultés de recrutement, justifiant ainsi leur inclusion dans la liste.
Conditions d’éligibilité à la régularisation
Pour bénéficier de cette régularisation, les travailleurs doivent remplir plusieurs conditions :
- Justifier d’une présence continue en France d’au moins trois ans.
- Avoir exercé un métier en tension pendant au moins 12 mois au cours des 24 derniers mois.
- Fournir des preuves d’insertion sociale et professionnelle.
- Ne pas représenter une menace pour l’ordre public.
Il est important de noter que la délivrance du titre de séjour reste à la discrétion du préfet, même si toutes les conditions sont remplies.
Une solution qui ne s’attaque pas aux causes profondes
Si cette initiative vise à pallier les difficultés de recrutement, elle soulève également des questions sur son impact sur le marché du travail français.
Certains observateurs s’interrogent sur l’efficacité de cette mesure pour réduire le chômage parmi les citoyens français. Ils soulignent que les obstacles à l’emploi, tels que la complexité administrative, les charges sur l’embauche et les niveaux de rémunération, peuvent dissuader certains demandeurs d’emploi de postuler à ces postes.
Par ailleurs, des voix s’élèvent pour dénoncer une politique qui, en facilitant la régularisation des travailleurs étrangers, pourrait inciter certains employeurs à préférer cette main-d’œuvre, parfois plus flexible, au détriment des travailleurs locaux.
Vers une légalisation déguisée du travail clandestin ?
Derrière cette régularisation des métiers en tension, une question dérangeante se pose : n’est-on pas en train, en réalité, de légaliser rétroactivement le travail clandestin ? Pendant plusieurs années, ces travailleurs ont exercé sans autorisation de séjour ni permis de travail, dans des entreprises parfois parfaitement conscientes de leur situation illégale.
Aujourd’hui, l’État leur propose une régularisation, à condition d’apporter la preuve qu’ils ont travaillé illégalement pendant 12 mois sur les 24 derniers mois. Ce qui revient, de fait, à valider des situations de travail dissimulé passées.
Beaucoup y voient un signal dangereux : les employeurs peu scrupuleux pourraient y voir une forme d’encouragement à embaucher au noir en attendant une future régularisation. Un système pervers se dessine alors : le travail clandestin devient une période probatoire officieuse avant un titre de séjour. Au-delà de l’injustice pour les employeurs respectant les règles, c’est un glissement juridique qui interroge sur la cohérence des politiques publiques.
Des conditions de travail souvent précaires
D’autres préoccupations concernent les conditions de travail des personnes régularisées. Il est essentiel de garantir que ces travailleurs bénéficient des mêmes droits et protections que les autres salariés, afin d’éviter toute forme d’exploitation ou de discrimination.
Le secteur de la restauration, par exemple, est souvent pointé du doigt pour ses conditions de travail difficiles : horaires décalés, travail le week-end, salaires modestes. Ces facteurs contribuent à la désaffection des travailleurs locaux pour ces métiers.
Une mesure soutenue par une partie de l’opinion publique
Malgré les critiques qui sont très nombreuses, les médias mettent en avant une enquête récente indiquant que 66% des Français sont favorables à la régularisation des travailleurs étrangers sans papiers exerçant dans des métiers en tension.
On peut faire tout dire à des chiffres. Qu’en est-il dans la vraie vie ? Qu’en pensent vraiment les Français ?
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Une réponse partielle à un problème complexe
La mise à jour de la liste des métiers en tension en mai 2025 représente une avancée significative pour la régularisation des travailleurs étrangers en France. Toutefois, pour que cette mesure atteigne pleinement ses objectifs, il est crucial d’accompagner ces régularisations d’une réflexion plus large sur les politiques d’emploi, la formation professionnelle et l’intégration sociale.
Sans une approche globale, cette initiative risque de n’être qu’un pansement sur une plaie béante, sans s’attaquer aux causes profondes des tensions sur le marché du travail français.