L’euro numérique : une stratégie européenne à contre-courant des réalités financières modernes

Publié le - Auteur Par Tony L. -
L’euro numérique : une stratégie européenne à contre-courant des réalités financières modernes

Alors que les États-Unis de Donald Trump optent pour une approche pragmatique en intégrant les stablecoins dans leur écosystème financier traditionnel, l’Union européenne (UE) persiste dans une voie centralisée avec son projet d’euro numérique, une monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Une décision qui, loin de renforcer la souveraineté monétaire européenne, risque d’accentuer son retard dans la course aux devises numériques.

La bataille des monnaies numériques s’intensifie

La semaine dernière, l’administration Trump a signé un décret exécutif historique visant à consolider le leadership du dollar via les stablecoins adossés au billet vert. Intitulé « Strengthening American Leadership in Digital Financial Technology », ce texte promeut une régulation claire pour les actifs numériques tout en interdisant le développement d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) aux États-Unis. Une stratégie qui contraste radicalement avec celle de l’UE, engagée depuis 2020 dans le développement d’un euro numérique sous contrôle de la Banque centrale européenne (BCE).

Derrière ces choix divergents se cache un enjeu géopolitique : la préservation de l’hégémonie monétaire. En 2000, le dollar représentait 70% des réserves mondiales, contre 18% pour l’euro. Aujourd’hui, le billet vert domine encore à 60%, tandis que l’euro stagne à 20%. Dans ce contexte, les technologies de paiement et les devises numériques deviennent un champ de bataille incontournable.

Les États-Unis parient sur les stablecoins

L’approche américaine repose sur un constat simple : plutôt que de miser sur une MNBC centralisée trop invasive, mieux vaut encadrer les stablecoins existants (USDT, USDC) pour en faire des relais du dollar à l’ère blockchain. En bref, une extension moderne et intelligente du dollar. Ces actifs, émis par des acteurs privés mais adossés à des réserves en dollars, permettent une diffusion mondiale rapide et peu coûteuse de la devise américaine.

Le décret de Trump officialise cette vision en créant un groupe de travail chargé d’établir un cadre réglementaire fédéral pour les stablecoins. Une clarification bienvenue pour les entreprises du secteur, qui pourront opérer en toute légalité tout en contribuant à l’expansion du dollar. Autre signal fort : l’administration Trump écarte explicitement toute MNBC, jugée superflue face à l’efficacité des stablecoins privés.

Cependant, Tether, l’émetteur du stablecoin le plus utilisé (USDT), reste sous surveillance en raison de son passé tumultueux. Mais l’implication de Howard Lutnick, proche de Trump et PDG de Cantor Fitzgerald (qui supervise les réserves de Tether), pourrait toutefois infléchir les régulateurs en sa faveur.

L’UE s’entête avec l’euro numérique

Face à cette offensive américaine, la BCE défend bec et ongles son projet d’euro numérique. Piero Cipollone, membre du directoire, a récemment averti que les stablecoins dollarisés pourraient « désintermédier les banques européennes » en drainant leurs dépôts. Un risque réel, mais qui témoigne d’une incompréhension fondamentale des dynamiques numériques.

Depuis 2023, l’UE a entamé la phase de préparation de l’euro numérique, avec des tests d’infrastructure prévus jusqu’en mai 2025. Officiellement, l’objectif est de moderniser les paiements transfrontaliers et d’unifier un système fragmenté. Mais dans les faits, ce projet reproduit les travers d’une bureaucratie centralisée. Les coûts associés au développement d’une blockchain propriétaire et de portefeuilles numériques s’annoncent astronomiques, alors que des infrastructures performantes comme Ethereum ou Solana existent déjà.

Par ailleurs, en offrant aux citoyens un accès direct aux comptes de la BCE, l’euro numérique pourrait, en période de crise, provoquer une fuite massive des dépôts bancaires, fragilisant davantage un système financier déjà sous tension. Et en monopolisant l’offre de monnaie numérique, l’UE étouffe l’innovation privée, pourtant essentielle pour concurrencer le dollar sur la scène internationale.

Enfin, l’introduction d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) par l’Union européenne est le cheval de Troie du renforcement des mécanismes de surveillance financière. En plaçant la BCE au cœur des transactions numériques, ce dispositif pourrait réduire l’autonomie et la confidentialité des paiements, car il facilite l’identification des utilisateurs et la restriction de certains types d’échanges. À terme, la liberté individuelle de disposer de son argent risque d’être limitée par des sanctions financières ciblées ou des contrôles renforcés. Un tel modèle centralisé remet alors en question le respect des droits fondamentaux et la protection de la vie privée des citoyens européens.

Pourquoi l’UE devrait embrasser les stablecoins privés

Plutôt que de jouer la carte de la centralisation, l’UE gagnerait à s’inspirer du modèle américain. Imaginez des stablecoins comme l’« EURT », émis par des entreprises régulées et adossés 1:1 à des réserves en euros. Ces jetons, circulant sur des blockchains publiques, permettraient une diffusion massive de l’euro grâce à des transferts instantanés et low-cost vers l’Afrique, l’Amérique latine ou l’Asie. Ils stimuleraient également l’innovation décentralisée, permettant aux développeurs de créer des applications financières (prêts, assurances, etc.) en euros numériques sans dépendre d’une infrastructure étatique. Enfin, un écosystème diversifié de stablecoins offrirait une bonne résilience face aux cyberattaques ou aux pannes systémiques, contrairement à un euro numérique centralisé, vulnérable par nature.

Les réactions sur les réseaux sociaux après les déclarations de Cipollone en témoignent : nombreux sont les experts à déplorer l’entêtement européen. « L’UE rate une nouvelle fois le coche en voulant tout contrôler. Les stablecoins privés en euros seraient bien plus efficaces pour rivaliser avec le dollar », résume un analyste sur X (ex-Twitter).

Quand l’UE se trompe de combat

La BCE justifie l’euro numérique par la nécessité de contrer l’influence des stablecoins étrangers. Mais cette logique est contre-productive. En cherchant à tout régenter, l’UE décourage les acteurs privés locaux, laissant le champ libre aux géants américains. Résultat : les Européens utiliseront des stablecoins en dollars… faute d’alternatives crédibles en euros.

Pire, le projet actuel pourrait accentuer la dépendance technologique de l’Europe. En développant sa MNBC, l’UE reproduit les erreurs du passé, à l’image des échecs de Gaia-X dans le cloud, alors que les normes mondiales comme Ethereum sont déjà adoptées par des millions d’utilisateurs. Cette quête d’autonomie illusoire se fait au détriment de l’interopérabilité et de l’agilité nécessaires dans un marché globalisé.

Dans la guerre des devises numériques, le temps presse, si l’UE continue d’ignorer les leçons venues d’outre-Atlantique, le dollar, porté par les stablecoins, pourrait retrouver le chemin d’une domination mondiale incontestable.

Connexe : Les gouverneurs des banques centrales de l’UE souhaitent mobiliser l’épargne citoyenne européenne


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Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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