Dégringolade financière : Moody’s s’abstient et la France écope d’un zéro
En l’espace de quelques jours, les signaux d’alarme se sont multipliés pour les finances françaises.
Vendredi dernier, l’agence de notation Moody’s a exceptionnellement renoncé à actualiser la note de la dette publique de la France. Une telle abstention est très inhabituelle et équivaut à maintenir la note inchangée à Aa3 (soit l’équivalent d’un 17 sur 20). Autrement dit, Moody’s a choisi de ne pas se prononcer – sans doute pour éviter d’enfoncer un peu plus la France dans la tourmente, au moment où sa solvabilité est de plus en plus remise en cause.
Dans le même temps, un classement international a infligé un camouflet retentissant à Paris : l’Index of Economic Freedom 2025 de la Heritage Foundation attribue à la France la note de 0/100 en matière de dépenses publiques. Ce score de zéro pointé sanctionne un niveau de dépenses gouvernementales jugé extraordinairement élevé – plus de 58 % du PIB – seuil à partir duquel l’indice accorde automatiquement la note minimale. Avec près de 60 % de la richesse nationale absorbée par la sphère publique (un record mondial), la France est devenue l’incarnation même de l’État obèse.
« État d’urgence budgétaire » : 40 milliards d’économies floues
Face à ces avertissements cinglants, l’exécutif français a enfin reconnu l’ampleur du problème.
Éric Lombard, tout nouveau ministre de l’Économie et des Finances, a déclaré que le pays était entré dans un « état d’urgence budgétaire« . Dimanche 13 avril, sur le plateau de BFMTV, il a prévenu que la France devra réaliser 40 milliards d’euros d’économies supplémentaires dès l’année prochaine pour contenir le déficit à 4,6 % du PIB en 2026. Ce chiffre énorme – à mettre en regard des quelque 50 milliards d’efforts déjà prévus au budget 2025 – laisse perplexe, d’autant que le ministre s’est bien gardé d’annoncer la moindre réforme structurelle ou coupe claire dans les dépenses de l’État.
En lieu et place de mesures concrètes, Bercy semble surtout miser sur des recettes « miracles ». Éric Lombard a reconnu du bout des lèvres que cet effort colossal serait « essentiellement » fait d’économies, mais aussi éventuellement de rentrées fiscales supplémentaires liées à un surcroît de croissance. En clair, le gouvernement espère que la conjoncture économique fera le travail à sa place pour combler les trous du budget. Une stratégie pour le moins floue, qui évite de nommer les postes de dépenses à tailler dans le vif. Comme le relève un sénateur pourtant allié de la majorité, jusqu’ici l’État n’a eu de cesse de minimiser la situation et de repousser les discours de vérité sur la dérive des comptes publics.
L’impôt « exceptionnel » sur les riches pérennisé : l’éternité selon Bercy
Plutôt que de s’attaquer au mal à la racine, le gouvernement choisit une fois de plus la solution de facilité : solliciter le porte-monnaie des contribuables, ce qui parait une nouvelle fois injuste. Dans la même interview, Éric Lombard a annoncé sans ciller que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus – instaurée il y a plus de dix ans comme mesure temporaire – sera maintenue et rendue permanente. « Rien n’est plus permanent qu’une mesure étatique temporaire », ironisait l’économiste américain Milton Friedman considéré comme l’un des plus influents du XXᵉ siècle, et Bercy vient d’en apporter une preuve éclatante.
Baptisée à l’époque « contribution de solidarité » ou « prélèvement Hollande » selon les courants politiques, cette surtaxe devait être provisoire et ne concerner qu’une infime minorité de « très riches ». Désormais pérennisée, elle rapporte environ 2 milliards d’euros par an.
Une goutte d’eau au regard des déficits, mais le symbole est fort : incapables de réduire le train de vie d’un État boulimique, nos dirigeants préfèrent reconduire indéfiniment les prélèvements « exceptionnels » sur le dos de ceux qui créent la richesse. Quitte à élargir demain la définition des « hauts revenus » – dans un grand classique de glissement sémantique – pour finir par taxer beaucoup plus largement que promis, comme certains le redoutent déjà.
L’Italie montre qu’une autre voie est possible
Ce statu quo budgétaire français contraste cruellement avec l’exemple donné par nos voisins transalpins. En un an à peine, l’Italie de Giorgia Meloni a réussi à diviser par deux son déficit public, le faisant passer d’environ 7,2 % du PIB en 2023 à 3,4 % prévu en 2024.
Cette rigueur retrouvée a été saluée par les marchés financiers : l’agence Fitch a confirmé en avril la note souveraine de l’Italie tout en relevant la perspective à « positive », signe d’une confiance accrue dans la trajectoire budgétaire italienne. Rome a même obtenu ce mois-ci une rare amélioration de la note de sa dette par S&P – du jamais vu depuis des années – consacrant ainsi les efforts entrepris par le gouvernement Meloni pour redresser les comptes publics.
La leçon italienne est évidente : un redressement rapide est possible dès lors qu’existe la volonté politique de serrer la vis budgétaire. Certes, la médecine administrée de l’autre côté des Alpes a été austère, et l’Italie reste très endettée. Mais la crédibilité regagnée lui permet désormais d’envisager l’avenir plus sereinement, pendant que la France, elle, s’enfonce toujours davantage dans la zone rouge.
Responsables mais pas coupables ? Le coût de décennies d’aveuglement
Comment la France en est-elle arrivée là ?
La responsabilité en incombe aux dirigeants de tous bords qui, depuis des années, ont préféré essayer d’acheter la paix sociale à coups de dépenses publiques plutôt que de réformer en profondeur. Droite et gauche au pouvoir ont rivalisé de laxisme budgétaire, chaque majorité repoussant les efforts au mandat suivant. Les grands partis traditionnels se renvoient la faute, mais tous ont creusé le même sillon de la dette.
Aujourd’hui, l’exécutif peine même à s’accorder en interne sur l’ampleur des sacrifices à consenti. La crédibilité du « en même temps » macronien est émiettée par ces tergiversations.
On promet 40 milliards d’économies tout en assurant qu’on ne touchera pas aux dépenses sociales ni n’augmentera les impôts pour la majorité. L’exercice d’équilibrisme confine à la désinvolture, alors que l’intérêt de la dette explose (la charge de la dette dépasse déjà 50 milliards d’euros par an et pourrait franchir les 70 milliards d’ici 2027) et que chaque jour de statu quo alourdit la facture pour les générations futures.
Rompre avec la soumission à Bruxelles et reprendre les commandes
Il est plus que temps de changer radicalement de cap.
Cette situation n’a rien d’une fatalité : le redressement de la France est possible, à condition de rompre avec la gestion en pilotage automatique sous contrainte de Bruxelles et de retrouver une véritable souveraineté budgétaire. Au lieu de subir l’Europe comme un alibi à l’impuissance, Paris devrait s’inspirer de ceux qui savent y faire respecter leurs intérêts : lorsque Rome discute avec la Commission européenne, c’est pour négocier un chemin de réduction du déficit compatible avec ses promesses électorales, et non pour se défausser indéfiniment.
Surtout, il faut confier les responsabilités à des dirigeants déterminés à agir sans trembler. Des dirigeants capables de dire non aux dépenses superflues, de remettre de l’ordre dans les comptes et de s’affranchir, si nécessaire, des dogmes bruxellois qui ont trop longtemps servi d’excuse. L’heure n’est plus aux beaux discours mais à l’action résolue : sans un électrochoc politique, la France continuera de courir à l’abîme, sous les applaudissements polis mais inquiets des agences de notation et le regard navré de ses voisins.
Connexe : Comment le gouvernement ment aux français au sujet de la dette
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