40 milliards d’euros d’investissements étrangers annoncés en une journée.
C’est la promesse spectaculaire affichée lors de la 8ᵉ édition du sommet « Choose France », tenue le 13 mai 2025 au château de Versailles. Une édition record sur le papier, présentée par Emmanuel Macron comme « un signal de confiance dans l’économie française ». Mais au-delà des annonces, quel est l’impact réel pour le tissu économique national ? Et pourquoi ces géants internationaux choisissent-ils un pays miné par la dette, les impôts, et une réglementation toujours plus lourde ?
Choose France : une vitrine stratégique pour l’attractivité française
Lancé en 2018 par Emmanuel Macron, le sommet « Choose France » vise à attirer les investisseurs étrangers sur le territoire national, en particulier dans les secteurs de la tech, de l’industrie, de l’énergie et des services financiers.
L’objectif est double : rassurer les multinationales sur la stabilité du pays, et concrétiser des projets créateurs d’emplois et de valeur ajoutée.
Pour cette 8ᵉ édition, plus de 180 dirigeants d’entreprises internationales ont répondu à l’appel, représentant 40 pays. Parmi eux : Revolut (Royaume-Uni), JPMorgan (États-Unis), TikTok (Chine), Amazon, Pfizer, GE Vernova, AstraZeneca, ou encore Samsung. Selon l’Élysée, plus de 50 projets d’investissements ont été formalisés, pour un montant total de 40,1 milliards d’euros.
Des engagements qui ne sont pas toujours tenus
Cependant, l’histoire récente invite à la prudence. Comme l’a montré L’Usine Nouvelle, certains engagements des précédentes éditions ne se sont jamais concrétisés. En 2020, la société Envision promettait une usine de batteries dans le nord de la France : projet abandonné. En 2022, le groupe coréen LG annonçait une unité de production pour 2024… toujours en attente.
Selon une enquête du Trésor, environ 1/3 des projets industriels annoncés à Choose France n’aboutissent jamais.
Ces annonces servent souvent à tester le terrain médiatique, sans obligation légale d’engagement. Le sommet s’apparente donc à une opération de séduction à haute visibilité, mais dont la traduction concrète dépend ensuite de la stabilité administrative, des délais et des conditions locales d’implantation.
Les grandes annonces de l’édition 2025
Parmi les annonces les plus marquantes cette année :
- TikTok promet un investissement d’un milliard d’euros pour construire un centre de données en Île-de-France, qui pourrait générer plusieurs centaines d’emplois dans la tech.
- Revolut, déjà active à Paris, annonce l’ouverture d’un centre de services financiers avec 300 postes à la clé, malgré un environnement réglementaire strict en France.
- JPMorgan renforce sa présence dans le quartier d’affaires de La Défense avec 1 000 emplois supplémentaires promis d’ici 2026.
- Amazon prévoit l’extension de plusieurs entrepôts logistiques avec 1 500 postes créés d’ici fin 2026, malgré les tensions sociales persistantes.
À cela s’ajoutent :
- Pfizer, qui investit dans la bioproduction à Chartres.
- Samsung, engagé dans un projet de recherche en IA appliquée à l’énergie.
- AstraZeneca, qui prévoit une plateforme européenne d’innovation biomédicale en région lyonnaise.
Pourquoi ces géants choisissent-ils la France ?
La question mérite d’être posée : pourquoi un pays aussi lourdement taxé, englué dans une crise de confiance politique et sociale, continue-t-il d’attirer des géants économiques ? Plusieurs raisons l’expliquent :
- Le crédit d’impôt recherche (CIR) reste l’un des plus avantageux d’Europe.
- La France dispose d’un écosystème universitaire et technologique solide, notamment dans les mathématiques, l’IA, la biotech et l’aérospatial.
- La position géographique stratégique au cœur de l’Europe reste un atout logistique majeur.
- Les tensions géopolitiques (Brexit, guerre commerciale Chine-USA) poussent les entreprises à diversifier leur implantation.
Macron joue également la carte de l’influence européenne. Lors du sommet, il s’est même prononcé pour la suppression de la directive européenne sur le devoir de vigilance, jugée trop contraignante par certaines multinationales.
Pendant ce temps-là… les entreprises françaises tirent la langue
Derrière ces paillettes, la réalité nationale est plus sombre :
- En 2024, plus de 58 000 entreprises françaises ont fait faillite, un niveau jamais vu depuis 2015 (source : Altares).
- Le commerce de détail, le BTP, la restauration et l’artisanat figurent parmi les secteurs les plus fragilisés.
- Les PME subissent de plein fouet la hausse des taux d’intérêt, la baisse de la consommation et la complexité administrative croissante.
À force de séduire les multinationales étrangères, certains accusent l’État de négliger l’économie de proximité, pourtant principale pourvoyeuse d’emplois.
Un modèle d’attractivité à double tranchant
Choose France permet de dynamiser des filières stratégiques, mais pose la question d’un déséquilibre structurel. Si les investissements étrangers soutiennent certains territoires, ils ne peuvent compenser l’hémorragie silencieuse du tissu entrepreneurial français.
Pour être durable, l’attractivité ne peut se contenter d’un sommet annuel sous les ors de Versailles. Elle passe aussi par la simplification de l’environnement fiscal, la stabilité réglementaire, et le soutien aux entreprises locales, grandes oubliées de cette grand-messe.
Choose France porte bien son nom : c’est une invitation. Reste à savoir si le pays choisira aussi de miser durablement sur ses propres forces vives.