France : Loi SREN, un défi de taille pour les libertés en ligne et la liberté d’expression

Publié le - Auteur Par Tony L. -
France : Loi SREN, un défi de taille pour les libertés en ligne et la liberté d’expression

La loi SREN, pour sécuriser et réguler l’espace numérique, arrive dans quelques jours à l’Assemblée nationale, c’est à dire d’abord en discussion ce 19 septembre.

Ce projet de loi français souhaite mettre fin à l’anonymat sur Internet, sous prétexte de l’accès au porno et pousse en conséquent à l’identité numérique. En réalité, ce projet ne vise ni plus ni moins qu’à renforcer la censure sur Internet.

Loi SREN : Un outil contre la fraude ou une menace pour la liberté ?

Destiné à l’origine à combattre la fraude en ligne, le harcèlement et l’accès des mineurs à la pornographie, le projet de loi comporte des dispositions qui, selon les critiques, pourraient s’avérer nuisibles.

L’Article 6 est particulièrement préoccupant : il obligerait les fournisseurs de DNS et les navigateurs web à bloquer les sites Web figurant sur une liste noire établie par les autorités françaises. Les experts y voient une menace pour la confidentialité et la liberté d’expression, estimant que cela pourrait servir de modèle à des régimes autoritaires cherchant à restreindre l’accès à l’information.

La tendance autoritariste inquiétante du gouvernement Macron

Le gouvernement français est sur le point de promulguer une législation controversée qui pourrait avoir des conséquences sévères sur la liberté d’expression et la vie privée en ligne.

Intitulé « SREN », le projet de loi suscite de vives inquiétudes parmi les experts en matière de droits numériques, notamment Mozilla, éditeur du navigateur Firefox, et Article 19, qui lutte pour la liberté d’expression, qui mettent en garde contre un « glissement dangereux » vers une censure accrue.

Selon le site Kombini ce 14 septembre, « il faut qu’on parle du projet de loi SREN qui pourrait détruire les libertés fondamentales d’Internet […] En toute discrétion, le gouvernement veut réguler les espaces numériques en usant des méthodes jugées autoritaires par des observateurs. »

Selon La Quadrature du Net, cette fois, le projet serait « d’ instaurer une censure autoritaire et extrajudiciaire par cette loi qui mettra fin à l’anonymat en ligne et qui répète les erreurs déjà commises avec la loi Avia. »

Ce n’est pas la première fois que la France fait les gros titres pour des réglementations potentiellement intrusives et qui ont déjà suscité des inquiétudes parmi les défenseurs des droits civils. Le projet de loi SREN contient des dispositions similaires à celles de la loi Avia, une législation qui a pourtant été jugée anticonstitutionnelle en juin 2020. Ces éléments sont spécifiquement abordés dans l’article 3 du projet de loi. Ce dernier prévoit que l’absence de retrait d’un contenu illégal dans un délai de 24 heures sera automatiquement considérée comme un délit, sans examen des raisons éventuelles de cette absence d’action.

Cette mesure pourrait avoir des conséquences sur la liberté d’expression en ligne. En effet, elle accentue le contrôle de l’État sur les plateformes d’hébergement et encourage la censure administrative. La crainte de sanctions lourdes pourrait également inciter les plateformes à sur-censurer le contenu, pour éviter de dépasser le délai de 24 heures. Ce fut précisément l’objectif de la loi Avia de 2020, qui imposait des délais fixes pour le retrait de contenus haineux ou à caractère terroriste.

L’étude d’impact du projet de loi indique que le gouvernement souhaite aligner les régimes de censure administrative sur ceux déjà en place pour les contenus liés au terrorisme. En effet, après l’annulation de la loi Avia, la France a activement participé à l’élaboration d’un règlement européen imposant le retrait de contenus à caractère terroriste sous peine de lourdes sanctions. L’article 3 du projet de loi SREN va dans cette direction en introduisant des sanctions similaires pour les contenus pédopornographiques.

Il est donc clair que le gouvernement tente de réintroduire certaines dispositions de la loi Avia, malgré son rejet antérieur pour des raisons constitutionnelles.

Loi SREN : Un manque de garde-fous juridiques

L’une des principales critiques porte sur l’absence de contrôle judiciaire clair et de responsabilité publique dans la mise en œuvre du blocage des sites Web. Selon Mehwish Ansari, chef du département numérique chez Article 19, le projet de loi conférerait au gouvernement français un « pouvoir potentiellement extraterritorial énorme » sans le contrepoids nécessaire d’un contrôle judiciaire.

Le passage d’une censure judiciaire à une censure administrative, comme envisagé dans le projet de loi SREN, suscite des préoccupations légitimes quant à l’état de droit et la séparation des pouvoirs. Dans un système de censure judiciaire, le retrait d’un contenu ou la fermeture d’un site se fait généralement sur la base d’une décision de justice, qui est le résultat d’un processus contradictoire respectant les droits de la défense.

Dans le cas de la censure administrative, le processus devient extrajudiciaire, et c’est une autorité administrative — en l’occurrence l’ARCOM, résultant de la fusion entre le CSA et Hadopi — qui décide du sort d’un site ou d’un contenu. Ce changement remet en question l’équilibre des pouvoirs et ouvre la porte à des actions potentiellement arbitraires, puisque l’ARCOM pourrait, théoriquement, fermer un site sans avoir à justifier sa décision devant un tribunal.

L’adoption d’un tel mécanisme pourrait donc représenter un recul en matière de droits civils et de libertés fondamentales. Le contrôle judiciaire constitue en effet un des garde-fous du système démocratique, garantissant que toute restriction à la liberté d’expression soit proportionnée et nécessaire. La substitution de la censure judiciaire par la censure administrative soulève donc d’importantes questions quant au respect des principes démocratiques et de l’état de droit.

Des ramifications technologiques et internationales

Les experts craignent également que la législation n’entraîne la collecte de données de navigation plus importantes par les navigateurs pour se conformer à la nouvelle réglementation, posant ainsi des problèmes de confidentialité. De plus, le blocage au niveau du navigateur pourrait avoir un impact au-delà des frontières françaises, car les fournisseurs de services internationaux pourraient être contraints d’appliquer les mandats de blocage à tous leurs utilisateurs, et pas seulement à ceux situés en France.

Loi SRE : Appels à la révision

Tant Mozilla que le site Article 19 exhortent le gouvernement français à reconsidérer les dispositions controversées du projet de loi. Mozilla a même lancé une pétition pour mettre un frein à la procédure parlementaire accélérée visant à voter sur le projet de loi dès cet automne.

Les experts en droits de l’homme appellent également à une collaboration plus étroite avec la société civile et les spécialistes techniques pour aligner la législation sur les normes des droits de l’homme de l’UE et internationales.

L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions

Les réflexions autour de ce projet de loi soulèvent des questions importantes sur l’équilibre délicat entre sécurité en ligne et libertés civiles. En cherchant à réguler Internet et les réseaux sociaux pour éliminer des comportements répréhensibles comme le harcèlement, il est crucial de ne pas empiéter sur les droits fondamentaux à la liberté d’expression et à la vie privée.

L’utilisation d’un mécanisme de censure administrative, comme envisagé dans le projet de loi SREN, peut en effet ouvrir la porte à des abus ou à une utilisation arbitraire du pouvoir. Si l’objectif est de cibler les « harceleurs » (dit stalker), la définition de ce terme doit être très claire pour éviter toute interprétation subjective qui pourrait être utilisée à des fins politiques. Le risque est que des individus ou des groupes soient étiquetés comme « harceleurs » simplement pour avoir exprimé des opinions politiques différentes, impopulaires ou contestataires.

De plus, si la loi ne précise pas comment identifier et cibler ces harceleurs, cela peut créer une incertitude juridique et potentiellement conduire à des mesures répressives disproportionnées. Le contrôle judiciaire est souvent considéré comme une protection essentielle contre de telles dérives, en garantissant que toute restriction à la liberté d’expression soit basée sur des preuves solides et soit proportionnée au risque ou au dommage éventuel.

Dans ce contexte, il est essentiel que toute législation visant à réguler les comportements en ligne respecte les principes démocratiques et les droits de l’homme, et soit mise en œuvre de manière transparente et équitable.

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Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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